« Le classement Unesco des cités minières vise à préserver ces territoires habités tout en rendant possible leur mutation », Philippe Prost
- Margot Guislain
- Interview
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Rencontre avec Philippe Prost, Grand Prix national de l'architecture, autour de son implication dans la valorisation du patrimoine bâti du bassin minier du Pas-de-Calais. Concepteur du mémorial international de Notre-Dame-de-Lorette (Pas-de-Calais) ou encore du réaménagement de l'Hôtel de la Monnaie à Paris, l'architecte est un penseur du travail sur l'existant.
AMC : Vous avez récemment réhabilité une cité minière du Pas-de-Calais. Pourquoi leur dimension patrimoniale a-t-elle été reconnue aussi tardivement par rapport aux bâtiments industriels ?
Philippe Prost : Les cités minières ont longtemps été victimes d'une perception négative de la part de la population en général, mais aussi de leurs habitants eux-mêmes. Elles étaient perçues comme étant toutes identiques, alors qu'elles offrent une palette riche de formes urbaines et architecturales, d'époques allant de 1820 à 1970 : corons à maisons en bande, cités pavillonnaires à maisons jumelles, cités-jardins, cités à maisons préfabriquées en béton. A chaque fois, elles adoptent les styles correspondant à leur temps - historicisme, Art nouveau, Art déco, modernisme - et sont conçues pour être attractives et attirer le plus de main-d'œuvre possible. Il existait même à l'époque des salons de l'habitat minier ! Les premières interventions sur les cités minières datent des années 1970, mais portaient essentiellement sur les réseaux et la voirie, assurées par une maîtrise d'œuvre composée de bureaux d'études. C'est l'inscription en 2012 du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais au patrimoine mondial de l'Unesco qui a changé le regard et permis de considérer nécessaire l'intervention des architectes.
Comment l'approche patrimoniale se caractérise-t-elle à l'échelle du territoire du bassin minier ?
En qualifiant le bassin minier de paysage culturel évolutif et vivant, l'Unesco a affirmé qu'il ne s'agissait pas de figer un territoire habité, mais de le préserver tout en rendant possible ses mutations. Dans ce contexte, l'étude prospective urbaine et sociale du Douaisis, que nous avons menée de 2021 à 2022, s'est avérée très intéressante car étaient concernées 18 cités minières d'époques, de styles, de configurations et d'échelles différentes. Pour toutes, nous avons appliqué la même démarche : identifier les éléments à préserver dans leur entièreté - car garantissant l'intégrité du site -, ceux pouvant évoluer, voire disparaître en les remplaçant par un programme opportun pour la régénération de la cité. Cette approche globale s'inscrit dans l'Engagement pour le renouveau du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais signé en 2017 par l'Etat, la région, le département et les intercommunalités, visant à redonner à ce territoire un nouveau rayonnement à l'échelle régionale et nationale, à créer et développer des projets et de l'activité.
Notre analyse globale des cités du Douaisis pérennise le logement comme élément de base de la composition de ce qui forme des écosystèmes. Les thèmes à travailler sont nombreux : comment agrandir la surface des logements ou diviser une maison en plusieurs logements ; comment marquer l'entrée dans la cité ; comment l'ouvrir sur le paysage environnant ou gérer l'articulation entre deux cités juxtaposées, etc. Ils recoupent toutes les problématiques actuelles, la qualité environnementale - incluant le recyclage du bâti -, la mobilité, la mixité programmatique, la densité, etc. Pour les 560 cités minières de cette région, la tâche, qui cette fois convoque de nombreux savoir-faire, est colossale.
Propos recueillis par Margot Guislain