Architecture et promotion privée: "Je t'aime, moi non plus" - Dossier à retrouver dans le numéro de mai d'AMC
Au sommaire du numéro d'AMC qui vient de paraître (n°251-mai 2016): un dossier spécial "logement en promotion privée", des détails "évacuation des eaux pluviales par chéneaux intégrés" et une matériauthèque "nouvelles vêtures pour la reconversion de l'entrepôt Macdonald". Mais aussi les réalisations du mois: la Canopée des Halles à Paris de Patrick Berger et Jacques Anziutti, un gymnase à Nice par CAB, une école et des logements à Paris par Béal & Blanckaert et la densification d'un cœur de bourg à Mauves-sur-Loire par Tact. En référence, l'œuvre de Vilanova Artigas (1915-1985), architecte brésilien, auteur, notamment, de la faculté d'architecture de Sao Paulo.
ÉDITO - AMC numéro 251-mai 2016
Manquements
C’est l’histoire d’un projet bien mal parti, d’une affaire bien mal engagée. Comme il y en a malheureusement à la pelle dans le domaine de l’urbanisme. L’ennui, c’est que l’on ne parle pas là du réaménagement d’une place de sous-préfecture –ce qui n’excuserait rien– mais bien du quartier des Halles à Paris, le centre gravitationnel d’une agglomération de 10 millions d’habitants, qui compte par ailleurs la bagatelle de 30 millions de visiteurs annuels. Un lieu qui aurait dû, aux yeux du monde entier, devenir l’un des emblèmes de la capitale française, signifiant son entrée –enfin– dans le XXIe siècle. L’enjeu a semble-t-il échappé aux principaux responsables, à moins qu’il ne les ait totalement paralysés. Rappelons-nous ce concours d’urbanisme de 2004: sans programmation précise, il revenait aux quatre architectes sollicités de donner leur propre version de la destinée des Halles. Fallait-il densifier en construisant sur le pourtour, comme le faisait le projet Nouvel, au risque de réduire le jardin à une peau de chagrin, ou au contraire, étendre l’espace public à tout le site, comme l’imaginait MVRDV avec son immense sol de verre? Fallait-il déconnecter le centre commercial de la gare souterraine, comme le proposait Koolhaas, ou renforcer cette imbrication, comme l’indiquait le projet Seura avec son toit commun, dont le principe a finalement été retenu? En réalité, la puissance publique parisienne, en l’occurrence la première équipe Delanoë –obnubilée à l’époque par sa candidature, autre ratage, à l’organisation des Jeux olympiques de 2012– n’a pas eu de vision claire sur ce que devait devenir le centre de Paris. Et ne savait que penser des quatre propositions radicalement différentes qui lui étaient soumises. La décision de s’en remettre à la vox populi, sous couvert de concertation, a donc été prise. L’exposition publique des projets, avec urnes et bulletins de vote, a, bien sûr, débouché sur le projet le plus rassurant, le fameux "toit dans un jardin" de Seura. Cette "canopée", finalement réalisée douze ans plus tard par Berger et Anziutti (lire p. 32), si décriée depuis son inauguration le 5 avril, est avant tout l’héritière de ces manquements, de ces non-décisions. L’objet, avec ses 7000 tonnes d’acier, peut paraître lourd, issu d’une autre époque ou de contrées plus orientales où le gigantisme sert encore de passeport pour la modernité. Cependant, la question principale qui se pose désormais est bien: est-ce, malgré tout, mieux qu’avant? Et la réponse, sans nul doute, est positive. Pour un milliard d’euros, c’est bien le moins que l’on pouvait en attendre.
Gilles Davoine, rédacteur en chef