«De nombreuses villes se sont emparées de cet outil à leur manière pour diversifier la commande, faire différemment, intégrer de nouveaux usages»
- Sophie Trelcat
- Points de vue
MARION WALLER, DIRECTRICE DU PAVILLON DE L’ARSENAL, EX-CONSEILLÈRE DE L’ADJOINT CHARGÉ DE L’URBANISME ET DE L’ARCHITECTURE DE LA VILLE DE PARIS.
Quel regard portez-vous aujourd'hui sur la première session de l'appel à projets urbains innovants et sur les critiques virulentes qui l'avaient accueilli ?
Je suis frappée de constater à quel point Réinventer Paris 1 a été un laboratoire incroyable qui a rendu possible de nombreuses innovations, rarement prises au sérieux ou considérées comme impossibles, à l'instar de la construction bois ou de la végétalisation des immeubles. De nombreuses solutions innovantes d'un point de vue écologique et social ont émergé. L'organisation de concours reposant non pas uniquement sur les charges foncières mais sur la qualité d'un projet est devenue la norme en matière d'urbanisme français. C'est un outil qui fonctionne et son impact a été largement supérieur à ce qui avait pu être imaginé lors du lancement. De nombreuses villes s'en sont emparées à leur manière pour diversifier la commande, faire différemment, intégrer de nouveaux usages. C'est d'ailleurs le rôle de la ville de Paris d'en favoriser l'utilisation. La puissance publique s'est énormément investie afin que tout ce qui avait été proposé se retrouve dans les clauses d'innovation. Des contrats de vente qui n'avaient jamais existé ont été rédigés avec les notaires. La direction de l'urbanisme a assuré un suivi très rapproché. Réinventer Paris a également permis à de jeunes architectes et de petites entreprises, par exemple celles de l'agriculture urbaine, de se développer. Avant l'opération les promoteurs ne leur ouvraient pas forcément la porte, cet aspect n'est en rien négligeable.
Les programmations témoignent de la mise en place d'une société du partage : cette idée trouve-t-elle une probité dans le contexte français ?
Sur cette question, Réinventer Paris a également permis des avancées, car de nombreux projets ont été choisis notamment sur l'idée du partage, qui a dû être portée jusqu'à la réalisation en trouvant des modèles économiques correspondants. Je pense par exemple à l'immeuble Edison-Lite, dont le concept est d'avoir un jardin partagé et d'être « zéro charges » pour les copropriétaires, grâce à l'acquisition collective d'un local commercial dont la location finance celles-ci. Il n'y a pas de magie : l'espace partagé ne fonctionne que s'il est porté par un financement pour sa création, puis son exploitation. La collectivité publique n'intime pas de manières de faire ; elle laisse la liberté de proposer des modalités, dont les objectifs doivent cependant être tenus.
Faut-il pousser encore plus loin la question de la renaturation et de la végétalisation des immeubles ?
Il faut encore progresser et, de ce point de vue, Réinventer Paris a permis d'élargir l'imaginaire. En 2016, un article du Monde titrait d'ailleurs « 22 nuances de vert pour la capitale ». Il était nécessaire que les architectes se penchent sur le sujet et il s'avère au final que la végétalisation peut prendre des formes extrêmement différentes selon le contexte. Un bâtiment comme la Ferme du rail, dans le XIXe arrondissement, a aussi été un démonstrateur pour l'insertion locale, l'utilisation de matériaux locaux et l'intégration de l'agri culture. Réinventer Paris 1 a été un vrai moment de « Proof of Concept ».
Morland, Mixité capitale (David Chipperfield Architects, Calq Architecture, arch. ; Michel Desvigne, pays.).