Des aires de jeux réinventées

A cette époque charnière des Trente Glorieuses, le jeune trio n’a pas hésité à balayer la monotonie qui qualifiait ces espaces, celle d’un terrain vague condamné à disparaître ou d’un square esseulé agrémenté de pauvres balançoires et d’un immanquable bac à sable. Plus aucune de leurs constructions n’étant visible, l’ouvrage est une plongée singulière dans un univers aux couleurs pop qui refuse l’infantilisation, bannit le faux, invite les enfants à s’autonomiser en expérimentant un parcours modulable. A la déclinaison d’un vocabulaire alors inédit s’ajoute l’utilisation de toutes sortes de matières plastiques, de structures aux formes simples et abstraites qui repoussent les limites de la prise de risque des jeunes usagers. Dans un monde qui n’était pas encore dominé par les normes, à la frontière de l’architecture, du design, de l’oeuvre d’art et de la politique de la ville, ces aménagements sont une apologie de la liberté et de l’imagination. A travers eux, du pied des cités de banlieue aux villages de vacances, se dessine une vision sociale de l’espace public où l’enfant est un élément moteur. Remarquablement mis en page, le livre présente une multitude de projets, de plans, de photographies et de cartes postales, de maquettes et de réalisations en fonctionnement. Aussi réjouissant qu’inspirant, un grand entretien des trois membres du groupe permet de saisir les enjeux et le parcours atypique de leurs vingt années d’activité.