Disparition de l'architecte Pierre Parat
- Simon Texier
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Pierre Parat, disparu le 8 octobre, fut l’une des figures les plus marquantes de l’architecture française de l’après-guerre; l’un de ceux, aussi, qui ont le plus constamment réussi à associer deux notions a priori contradictoires: la production de masse et l’invention. Auteur, au sein de l’agence Andrault-Parat, d’une œuvre bâtie considérable, dominée par quelques réalisations iconiques des années 1970 (le siège de l’agence Havas à Neuilly-sur-Seine, les pyramides d’Evry, et à Paris, la faculté de Tolbiac, la tour Totem et le palais omnisports de Bercy), il s’est attaché à ranimer le difficile mariage entre art et industrie.
Né en 1928 à Versailles, Pierre Parat passe une partie de sa jeunesse au Pérou. Diplômé de l’école polytechnique de Lima, il intègre à son retour en France l’atelier d’Eugène Beaudouin à l’Ecole des beaux-arts. Après un passage dans l’agence de Pierre Colboc –il y dessine l’église Saint-Pierre du Havre qui lui sert de diplôme en 1955–, il s’associe, en 1957, à son camarade d’atelier Michel Andrault (né en 1926). Cette même année, les deux architectes participent et remportent le concours international pour la construction de la basilique Notre-Dame-des-Larmes à Syracuse, en Sicile. La genèse de cet édifice en forme de cône plissé, achevé en 1994 seulement, a donné lieu à un remarquable travail préparatoire: suivant les conseils d’Eugène Beaudouin, les deux jeunes architectes conserveront dès lors dans des albums l’ensemble des études de leurs projets. Le dessin sera toujours chez Parat l’instrument d’une recherche de la forme, de la structure, du parti, d’une clarification du projet. Il y associe une pratique de la peinture, de la sérigraphie et du cinéma.
Une nouvelle poétique rationaliste
Alors que le modernisme international impose les formes lisses des buildings américains, l’agence Andrault-Parat expérimente des systèmes de construction à la fois plus lisibles et plus expressifs, proches du métabolisme japonais: nette distinction entre éléments portants et éléments portés, usage des rotules, de puissants piliers et de poutres saillantes, en métal (le siège de l’agence Havas), et plus généralement en béton armé. Pour les immeubles de bureaux et sièges sociaux (caisses régionales du Crédit agricole d’Auxerre et d’Orléans La Source), la superstructure devient une signature, tandis que la préfabrication lourde avec refends porteurs domine dans les opérations de logement. En résulte bien souvent un éclatement des volumes qui individualise les espaces sans les isoler, offrant à l’usager comme à l’habitant une multiplicité de points de vue. Très actifs dans le secteur tertiaire –ils signent plusieurs tours à La Défense, dont celle de la Société générale en 1955–, Andrault et Parat ont contribué, avec leurs nombreux immeubles dits «gradins-jardins», à l’invention et à la diffusion de l’habitat intermédiaire. Leur œuvre bâtie leur a valu le grand prix national de l’Architecture (1985) et huit réalisations labellisées «Patrimoine du XXe siècle».
Auteur, en 2010, d’un livre autobiographique (*), Parat a fait l’objet d’une exposition à la Cité de l’architecture et du patrimoine en 2013.
(*) Parat par Pierre Parat, éd. Cercle d’art.
La totalité des dessins de Pierre Parat est consultable sur le site de la Cité de l'architecture et du patrimoine