José Luis Sert méconnu - Livre

Construit entre 1968 et 1972, le projet du carmel de la Paix tient autant de l'épopée architecturale qu'humaine pour l'architecte José Luis Sert, avec des personnages hauts en couleurs comme celui de l'énergique mère Marie-Thérèse, qui représente la maîtrise d'ouvrage. Elle souhaite une œuvre bâtie qui soit le reflet de son temps, simple et moderne, « créer un monastère tout petit, bas, se fondant dans le paysage, très modeste ». Cela ne sera pas si simple, et c'est ce que retrace l'ouvrage avec beaucoup d'intelligence, en plus de l'iconographie riche et abondante qu'il dévoile. Il le fait de façon très vivante, alternant la retranscription de témoignages, les échanges épistolaires, parfois croustillants entre les différents acteurs du chantier et les analyses architecturales, qu'elles soient conceptuelles ou mettent en perspective d'autres réalisations religieuses, comme le couvent de la Tourette. Le maître a 65 ans quand il accepte ce projet et vit aux Etats-Unis où il est le doyen de la Graduate School of Design de Havard. L'homme est donc très occupé et pas toujours disponible, même s'il bénéficie jusqu'à la fin d'une confiance absolue de la part de ses commanditaires. Une absence dont certains feront d'ailleurs injustement les frais, tel l'architecte d'exécution Jacques Michel, figure attachante et ô combien intéressante en tant que précurseur de l'architecture solaire. Pour ce qui est du projet en tant que tel, on ne peut que s'émerveiller de la manière dont il s'inscrit dans la pente et fait corps avec le paysage avec son béton brut. On y retrouve la fameuse ligne méditerranéenne de Sert, qu'il réussit ici à étendre à l'échelle de ce qui s'apparente à un village à la fois ouvert sur l'extérieur et maintenu dans une clôture précise, capable de former un espace d'une grande intériorité. Quand on achève la lecture de ce livre, à défaut de prendre le voile, on a qu'une envie, celle de se rendre sur place, au moins pour apercevoir la silhouette du carmel, fondue dans la colline.