L'enseignement de l'architecture en débat: le droit de réponse de la SFA
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Le bureau de la Société française des architectes (SFA) répond au collectif d'architectes, de géographes et d'urbanistes, enseignants et chercheurs au sein des écoles d'architecture, qui dénonce dans une lettre adressée à elle, "la division disciplinaire opérée par la SFA entre «docteurs» et «non-docteurs»", entre "théorie" et "pratique" dans l'enseignement de la discipline. Lettre qui faisait elle-même suite à l'appel à contributions lancé par la SFA et titré "L'enseignement du projet en danger".
Réponse à nos collègues sur l’enseignement du projet
Droit de la réponse de la SFA
Chers collègues,
C’est avec beaucoup d’intérêt que nous avons lu votre réaction à notre appel à contributions, mais il nous semble que vous nous avez mal lus. Vous vous êtes inventés un ennemi qui n’existe pas pour défendre des positions que nous n’attaquions pas.
Contrairement à ce que vous affirmez (et malgré les guillemets qui laissent croire que vous nous citez) nous n’avons jamais opposé les «théoriciens» et les «praticiens»: ces mots ne figurent même pas dans notre appel, sauf pour citer Bourdieu. Nous les opposons d’autant moins qu’un enseignant de projet a nécessairement un regard sur ces deux aspects fondamentaux de la discipline. Il n’est pas dit non plus dans notre appel que tout praticien peut enseigner le projet: cela s’apprend. Vous affirmez que «les Écoles ne conduisent plus uniquement aux savoirs, savoir-faire et titres légitimant de la maîtrise d’œuvre (ne conduisant d’ailleurs plus directement à un DPLG)»: même si l’on vous suit, cela n’enlève rien à la nécessité que les écoles continuent à former aussi des architectes…Vous dites également: «la maîtrise d’œuvre en son nom propre n’est plus le seul métier de l'architecture, loin de là (...)». Qui dit le contraire? Pas nous, en tout cas, quand nous écrivons: «c’est d’ailleurs précisément cette compétence singulière [le projet] qui les rend utiles dans d’autres métiers que la maîtrise d’œuvre».
La réforme de 2018 n’est pas la première à mettre en danger l’enseignement du projet —peut-être involontairement— mais elle le fait avec une grande naïveté: selon ses promoteurs, se rapprocher du modèle universitaire serait forcément un progrès. Dans ce cadre, notre appel pose une question, et une seule, à laquelle vous ne répondez pas: la qualité d’un enseignant de projet peut-elle être mesurée par la possession d’une thèse, alors même que la plupart d’entre elles ne sont pas consacrées au projet dans sa dimension disciplinaire, celle qui concerne la maîtrise des concepts fondamentaux de l’espace architectural? Peut-on rendre la thèse pratiquement obligatoire pour enseigner le projet alors qu’une thèse ne permet pas de mesurer la capacité à faire du projet ni à l’enseigner?
La Société française des architectes n’a pas à faire ses preuves en matière scientifique: société savante, elle organise chaque année avec le CNRS un colloque auquel certains d’entre vous ont participé ou vont le faire, ils pourront juger du niveau —le meilleur— de l’enthousiasme des étudiants qui y assistent nombreux, et du mariage que nous mettons en œuvre entre recherche sur le projet et apports universitaires; elle édite Le Visiteur, revue dont vous appréciez la rigueur et le goût de la langue; elle invite de grands intellectuels (Patrick Boucheron puis Jacques Rancière) lors de conférences exceptionnelles mémorables: bref, nous n’avons rien à prouver en ce qui concerne le souci de rigueur intellectuelle et la mise en valeur du travail théorique au service de l’architecture.
Il n’y a aucun conservatisme dans notre appel et notre inquiétude, mais le souci de maintenir vivante l’exigence de la pensée et du discours; pas de défense de la situation actuelle dans les écoles —qui n’est guère satisfaisante— mais le souhait d’une meilleure formation des étudiants, pour les villes et les logements de demain. Maintenant, vous pouvez répondre à notre appel.
Le bureau de la Société française des architectes