« La fin des concours d’architecture ? » par Jacques Hesters, architecte

Jacques Hesters, architecte

 

 

 

D’année en année, les mesures législatives modifient les conditions de mise en concurrence et d’exercice de la maîtrise d’œuvre. L’année 2015 n’échappera pas à cette évolution puisque les transpositions françaises des directives européennes seront prochainement promulguées par ordonnance : il y serait inscrit l’absence d’obligation du concours d’architecture pour les constructions publiques, et cela, quel que soit le montant des travaux estimés.

 

Cette mesure donnera un coup fatal aux concours et plombera l’incitation au désir d’architecture qui restera un vœu pieu mort-né.

 

Les concours favorisent pourtant le débat indispensable sur la Ville entre élus et professionnels de l'acte d'aménager ou de bâtir. Cette mise en concurrence permet de satisfaire au mieux les exigences de qualité et de « juger sur pièces ».

La procédure de concours impose la constitution d’un jury organisé démocratiquement. Le jury est un moment de débats entre élus, spécialistes, usagers… après examen des projets par une commission technique ad hoc.

 

Inévitablement, la disparition des concours s’accompagnera d’une baisse de la qualité architecturale et urbaine dans un pays où l'architecture est déclarée d'intérêt public par la loi.

La loi de décentralisation de 1982 a favorisé l'émergence de l’architecture française, dans les bâtiments publics, écoles, collèges et lycées… grâce, notamment, à l’organisation de concours.

 

Les procédures de type MAPA (Marché à procédure adaptée) qui vont se généraliser pour les marchés publics, ne sont justement pas « adaptées » pour ce qui concerne l'urbanisme, le paysage ou l'architecture. Ces procédures conduiront à une « dérive clientéliste », anti-démocratique et induiront la multiplication des recours par les maîtres d’œuvre écartés. Ces MAPA ne simplifient en rien les  conditions administratives de mise en concurrence pour les services des marchés publics.

 

La procédure en MAPA ne règle rien du problème d’élaboration du programme dans l’espace architectural. La production du projet, suivant une démarche de gré à gré, peut même conduire à un dérapage de planning, à des adaptations de programme, des avenants pour revalorisation… et donc conduire à une dérive budgétaire.

 

Que reproche-t-on au concours ? Son coût ? Le choix d’un projet difficilement amendable ? Un architecte non choisi ?

 

Nous répondons :

– En coût global le concours est un choix performant, évitant les remises en cause chronophages et le dérapage dans les délais d’études. Le concours, qui fait émerger la meilleure conception au regard du fonctionnement, de l’usage et de l’urbain, a des vertus du point de vue des contraintes budgétaires.

 

– Tout projet devrait pouvoir être amendé sur conclusion du jury, et il suffit d’inscrire une clause particulière dans le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) et le règlement de consultation (RC) qui le permette. Un projet de concours, abouti au regard des contraintes programmatiques, aura plus de force pour être modifié, sans se renier, afin de se conformer aux exigences énoncées collégialement en jury.

 

– C’est effectivement le projet qui est choisi et non son concepteur. Si l’adjudicateur veut mieux connaître l’équipe de l’architecte, il suffirait de supprimer l’anonymat des concours ou recevoir les équipes pour présentation des projets après classement et levée de l’anonymat, comme cela est parfois pratiqué, pour un débat partagé et plus démocratique.

 

La suppression de l’obligation de recourir aux concours d’architecture constitue un précédent antidémocratique, qui va à l’encontre de l’intérêt public, portant atteinte au désir d’architecture et à la qualité architecturale, créant un risque inévitable de dérive clientéliste dans la passation des marchés publics de maîtrise d’œuvre. L’État doit prendre conscience de ces enjeux et agir en conséquence pour assurer la qualité patrimoniale et durable de nos constructions futures.

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  • Le 21/04/2015 à 08h07

    La MAPA devrait se limiter à des marchés de biens, et non pas à des marchés de services. A travers l'inconscience collective actuelle, je pense que seul un retour au barème pourrait remettre de l'Ordre là où il a disparu...

  • Le 19/04/2015 à 19h40

    Merci cher confrère pour ce bon plaidoyer en faveur de notre métier décidément bien mal mené. Au-delà de notre métier, il nous faut en effet défendre l'intérêt commun au regard de la qualité de la production architecturale. Je te rejoins pleinement sur l'idée qui tend à inciter à choisir le projet avant de choisir le concepteur… et sans passer par la case concours, je ne vois pas comment faire. Et pour répondre à Nanoy, il y a pire que de perdre un concours : Subir les sollicitations répétées de Maîtres d'ouvrages non soumis au Code des Marchés Publics qui ne comptent pas notre temps et qui nous font bosser pour rien sans la moindre indemnité. Tout le monde ne peut pas répondre aux grands projets internationaux, mais il y a des concours pour toutes les tailles d'agence et pour tous les budgets. Courage et serrons un peu les coudes !

  • Le 19/04/2015 à 17h57

    Merci cher confrère pour ce bon plaidoyer en faveur de notre métier décidément bien mal mené. Au-delà de notre métier, il nous faut en effet défendre l'intérêt commun au regard de la qualité de la production architecturale. Je te rejoins pleinement sur l'idée qui tend à inciter à choisir le projet avant de choisir le concepteur… et sans passer par la case concours, je ne vois pas comment faire. Et pour répondre à Nanoy, il y a pire que de perdre un concours : Subir les sollicitations répétées de Maîtres d'ouvrages non soumis au Code des Marchés Publics qui ne comptent pas notre temps et qui nous font bosser pour rien sans la moindre indemnité. Tout le monde ne peut pas répondre aux grands projets internationaux, mais il y a des concours pour toutes les tailles d'agence et pour tous les budgets. Courage et serrons un peu les coudes !

  • Le 17/04/2015 à 20h07

    C'est absolument dramatique mais comme d'habitude je constate une profession incapable de se mobiliser avec force pour contrer les lobbies des majors ; et bientôt des MAPA habillées de BIM pour achever le travail !

  • Le 16/04/2015 à 21h24

    Le concours n'est pas forcément plus démocratique: quid de ceux qui n'ont pas le pouvoir de payer plusieurs fois par an du boulot en pure perte? Critères de participation à revoir en fonction des petits bureaux, critères locaux, ... le problème est compliqué et à revoir dans l'ensemble.

  • Le 16/04/2015 à 13h09

    L'existence de concours d'architecture traduit l'absence de confiance entre l'architecte et le maître d'ouvrage qui s'imagine qu'avec la multiplicité de l'offre de projets il aura de la qualité architecturale.

  • Le 16/04/2015 à 11h56

    Disons le tout net, l'envahissement du droit anglo-saxon menace sérieusement notre culture. Parce que je suis régulièrement juré de concours, je constate, par cette procédure, l'augmentation régulière de la qualité architecturale et l'investissement de plus en plus grand des architectes donc une nette amélioration de leur professionnalisme. Le "low-cost" en architecture ne doit pas avoir droit de cité.

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