La photographie, œuvre ou document? Le regard de Stéphane Asseline, photographe à l'Inventaire Général du Patrimoine

La photographie, œuvre ou document? Le regard de Stéphane Asseline, photographe à l'Inventaire Général du Patrimoine
© Stéphane Asseline - Stéphane Asseline

 

 

 

 

 

 

Chaque semaine, AMC donne la parole à un photographe d'architecture pour commenter l'une de ses prises de vues. Invité de cette série: Stéphane Asseline.

 

Stéphane Asseline a fait le grand écart entre la photographie du monde de la « pub », intégré après sa formation à l’école Louis Lumière, et la production d’images pour l’Inventaire général du patrimoine culturel (IGPC). L’Inventaire, dont le devoir de mémoire implique de conserver et d’archiver, a fait de la photographie un outil central qui présente l’avantage d’être un document formel diffusable à l’infini. Elle est devenue un élément indispensable à l’inventaire des monuments et des richesses artistiques. Photographe averti, Stéphane Asseline, questionne sa pratique photographique et fait entrer en résonance la photographie créative et celle de l’inventaire. Son regard croisé invite à la réflexion sur ce qu’est la nature de la photographie, entre œuvre et document.

André Malraux établi le 1er livret de prescriptions techniques de l’IGPC

Photographies, plans, cartes, reproductions de documents anciens : l’Inventaire général du patrimoine culturel est un outil majeur de développement et d’aménagement des territoires. Ce service public, né d’un projet porté par André Malraux* assisté d’André Chastel* en 1964, entendait faire connaître « les fonds baptismaux intégrant la compréhension globale du territoire, l’ensemble du patrimoine architectural et mobilier des territoires ». L’Inventaire était général  car il portait sur l’ensemble des créations humaines matérielles, et topographiques : il s’agissait d’appréhender l’ensemble du patrimoine présent sur un territoire. S’il conserve la même ambition scientifique, nécessitant un mode opératoire rigoureux et une expertise savante, l’IGPC depuis quelques années réfléchit à de nouvelles techniques, outils d’analyse, induits par les nouveaux projets entrepris.

Le champ patrimonial s’ouvre au paysage, aux sujets immatériels pour lesquels le diagnostic, nécessite l’adaptation des préconisations programmées il y a maintenant plus de cinquante ans. Les chercheurs, qu’ils soient conservateurs ou ingénieurs assurent les études d’inventaire. Les photographes réalisent la documentation illustrée nécessaire à la recherche et à sa diffusion. Encore aujourd’hui, le livret de prescriptions techniques n°1 établi en 1968 fait référence : point de vue naturel (à hauteur d’œil) ; l’édifice cadré de manière à obtenir une orthographie aussi exacte que possible ; photographier si possible à la lumière du jour en évitant l’éclairage zénithal qui écrase les œuvres, de bas en haut ou trop contrasté. La description par l’image exige des vues d’ensemble, partielles, de détails constructifs ou décoratifs. Le film noir et blanc est préconisé pour sa pérennité, la couleur est d’usage dans le cas d’un modèle polychromique. « Depuis quelques années, les objets d’études nécessitent vraiment d’adapter les recommandations d’origine», précise Stéphane Asseline.

Le champ patrimonial s’élargit, le contexte doit être documenté

La réalité du contexte, essentielle à l’analyse et à la caractérisation d’un sujet, doit être documentée. Une nouvelle façon d’aborder le patrimoine s’organise. Rendre compte par l’image du patrimoine a fait l’objet d’une réflexion nouvelle menée par l’inventaire Région île-de-France. Un protocole spécifique, qui « convoque le regard des photographes vers une écriture photographique sensible exprimée dans l’intérêt du propos » est aujourd’hui une pratique courante. Les photographies de Stéphane Asseline sont des « clés de lecture  et de compréhension de l’œuvre », pour reprendre l’expression de la chercheuse Isabelle Duhau*. Elles contribuent à faire renaître des œuvres, parfois à les sublimer. Le banal, l’ordinaire, le sujet au degré inférieur des critères esthétiques habituels est sublimé par la photographie qui modifie la perception du modèle. L’angle de vue, le cadrage, ce qui appartient au regard du photographe, l’éclairage, apporte à l’image descriptive une dimension supplémentaire, qui optimise la compréhension du sujet d’étude et devient un outil d’interprétation. La photographie d’inventaire valorise l’objectivité et la précision technique mais si elle est envisagée comme document ou « photo d’identité », elle  est aujourd’hui plus qu’un outil, un catalyseur permettant de révéler le visible comme l’invisible. Les champs d’exploration ne se limitant plus à l’objet d’art décontextualisé, la photographie d’Inventaire est le terrain d’appropriation des photographes qui sont à leur tour «  une force de proposition fondamentale ».

 

André Malraux : ministre des Affaires culturelles

André Chastel : l’historien d’art

Isabelle Duhau : chercheuse IGPC, Région ïle-de-France

 

Les quatre photographies de ce dossier, qu’elles soient le fruit d’une commande institutionnelle ou d’un travail individuel, valorisent l’existence d’un regard d’auteur pouvant dépasser le cadre du protocole scientifique imposé.

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