La restauration de la Cité de refuge de Le Corbusier - Livre
- Mathieu Oui
- 75 - Paris
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Ce copieux ouvrage sur la Cité de refuge, construite en 1933 par Le Corbusier et Pierre Jeanneret pour l’Armée du salut à Paris, est à recommander à tous les étudiants en architecture et patrimoine. Car, en matière de restauration(*) d’édifice patrimonial, ce chantier est un cas d’école. Corédigé par le sociologue Olivier Chadoin et l‘historien de l’art Gilles Ragot, avec la participation du photographe Cyrille Weiner, le livre s’organise en une première partie historique, la seconde étant consacrée aux enjeux contemporains de l’accueil social et à l’opération de rénovation.
Ce copieux ouvrage sur la Cité de refuge, construite en 1933 par Le Corbusier et Pierre Jeanneret pour l’Armée du salut à Paris, est à recommander à tous les étudiants en architecture et patrimoine. Car, en matière de restauration(*) d’édifice patrimonial, ce chantier est un cas d’école. Corédigé par le sociologue Olivier Chadoin et l‘historien de l’art Gilles Ragot, avec la participation du photographe Cyrille Weiner, le livre s’organise en une première partie historique, la seconde étant consacrée aux enjeux contemporains de l’accueil social et à l’opération de rénovation. Plus de 200 photos et documents d’archives (croquis, plans, reproductions d’articles de presse…), complétés d’images récentes du chantier, permettent de mesurer l’évolution de l’édifice dans toutes ses vicissitudes. L’iconographie documente notamment les versions successives de la façade, d’abord entièrement vitrée, puis enrichie d’allèges et de brise-soleil, et passant, au fil des années, de la monochromie à la polychromie. Plusieurs pages sont consacrées à la longue polémique autour de cette façade hermétique en verre qui marqua les premières années de la Cité de refuge. Le Corbusier souhaitait mettre en application sa théorie de la "respiration exacte", système d’aération maintenant l’air à 18°. Malgré son échec manifeste, il répond aux critiques par le mépris et la mauvaise foi, jusqu’à développer un intense lobbying auprès des scientifiques et pouvoirs publics pour maintenir sa façade. "Le Corbusier confond volontairement la dimension avant-gardiste et l’efficacité opérationnelle des solutions mises en œuvre, brandissant la première pour masquer l’échec de la seconde", souligne justement Gilles Ragot.
Le cas d’une "repatrimonisation"
Dans la seconde partie de l’ouvrage, le texte éclaire la complexité des enjeux de conservation-restauration d’un tel chantier, avec pour parti pris affiché dès le départ de ne pas renoncer à la mission sociale de la cité: l’accueil des sans-abri. Compte tenu des états successifs d’un bâtiment à l’histoire complexe, sur lequel l’architecte lui-même est revenu à plusieurs reprises, quel état de référence prendre en compte? La question se complique avec le Centre espoir, l’extension commandée en 1978 à Georges Candilis et Philippe Verrey. La réponse de François Gruson, mandataire de l’agence Opéra, et François Chatillon, architecte en chef des monuments historiques, sera donc pragmatique. Pas de soumission à une quelconque doxa patrimoniale, mais plutôt un savant dosage de restructuration, restitution à l’identique et de réinterprétation (notamment pour la polychromie). Il a également été décidé de privilégier l’œuvre de Le Corbusier et de faire porter au Centre espoir les contraintes techniques et fonctionnelles, afin de supprimer les faux plafonds et gaines techniques qui gênent la lisibilité de l’architecture. Un choix fort qui, comme le souligne Olivier Chadoin, marque une opération de repatrimonialisation de la Cité de refuge.
(*) Lire AMC n° 250, avril?2016, p. 46-51.
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La cité de refuge, Le Corbusier et Pierre Jeanneret, l’usine à guérir,
Gilles Ragot et Olivier Chadoin. Photographies de Cyrille Weiner. Les Éditions du Patrimoine, 208 pages, 35€.