"Le chantier doit rester une mission de l'architecte", Cyril Trétout, architecte-urbaniste associé d'ANMA

Nous avons une chance à l’agence ! Nous réalisons nos chantiers … mais c’est quoi le chantier ? C’est une mission en voie de disparition chez les architectes, une charge trop lourde pour quelques jeunes confrères, une mission à sous-traiter pour certaines grandes agences, un business lucratif pour les MOE d’exe et une affaire de promoteur avant tout.

Y allez ou ne pas y aller, mais surtout nous la confier ou ne pas nous la confier ? … Ce job passionnant, de moins en moins appris dans nos agences est pourtant le cœur de notre métier, le poumon de nos inventions, l’aboutissement de notre création, la finalité de notre métier. Du dessin au volume construit, du concept à l’appropriation de l’usager, de la collaboratrice au compagnon charpentier : une aventure unique, une aventure humaine irremplaçable pour l’architecte.

Accepter de ne plus être maitre du jeu, de se faire doubler, retirer, écarter ou tout simplement remiser à la stricte mission de « la conformité architecturale », serait cheminer vers l’amenuisement de nos savoir-faire, admettre une perte de sens. C’est courir vers la simple et pure disparition d’une cohérence fondatrice entre dessin et exécution, nous transformer en designer « d’espace et de dessin de façades ».

Oui, il y a des réponses possibles, sur mesure, adaptées à chaque situation, à chaque maitre d’ouvrage pour éviter cet état de fait dans nos projets.

Oui, il y a toujours des raisons pour déléguer la mission de chantier…  Comme les honoraires qui ne font que baisser, les BET qui ne sont pas co-traitant, la distance du chantier, la réactivité demandée, la jeunesse de l’équipe d’architecte, ou la pratique de tout faire en interne pour certains groupes immobiliers.

Partons de l’idée que nous ne sommes pas tous bons dans cette partie du métier, que pour certains « c’est pas leur truc », que la gestion d’un planning de gantt, des tableaux Exel et des procédures de chantiers, c’est pas sexy… Ok ! mais est-ce nécessaire que cela soit l’affaire de structures externes payées par la maitrise d’ouvrage en direct, et qui parfois font aussi l’OPC et l’AMO ? N’est-il pas essentiel que ces taches lourdes de conséquences soient incarnées par l’architecte ?

Oui prenons nos responsabilités. Exigeons la mission pour la faire ou la sous-traiter avec nos honoraires avec nos engagements, avec nos équipes en suivi. Mission complète, partielle, sur mesure pourquoi pas, mais mission de l’architecte !

Nous avons certainement à nous retourner sur nos pratiques, sur nos désengagements, mais relevons le défi de faire le chantier avec et pour nos maitres d’ouvrage.

En marché privé le maintien ou pas de la DET (la direction d’exécution des travaux) par l’architecte n’est pas qu’une question contractuelle avec le maitre d’ouvrage, c’est un souhait public qui resurgit dans les nouvelles chartes promoteurs des villes, c’est l’incitation qui apparait dans les nouveaux appels d’offre des aménageurs, c’est la déclaration d’intention du président d’un grand groupe immobilier devant plusieurs confrères et consœurs.

L’architecte s’engage pour la qualité de son projet, dessine en amont avec la préoccupation de la faisabilité technique, sait adapter son détail parce qu’il est sachant.

L’architecte est le mieux placé pour suivre la réalisation car il est celui qui dessine avec passion « l’œuvre » et pas « le produit à gérer », et face au bâtiment 2.0, au défi de la réhabilitation, nous avons une position transversale pour l’adaptabilité du projet tout au long du cycle de la construction.

Allez ! ne lâchons rien, soyons inventifs, redonnons envie à nos partenaires immobiliers d’inverser cette tendance, ensemble.

Cyril Trétout, architecte-urbaniste associé d'ANMA