Pourquoi créer une nouvelle école d’architecture? Est-ce en réaction à l’enseignement actuel ?
Non, c’est une proposition différente, alternative. Il faut arrêter de croire que les écoles d’architecture mènent obligatoirement à une profession. Faire des études d’architecture ne signifie pas forcément devenir architecte. C’est un apprentissage qui développe la capacité de penser et de proposer des solutions et qui ne vise pas à former des exécutants répondant à une commande. Il faut envisager une plus grande diversification: devenir scénographe, couturier, urbaniste, gérer des problèmes complexes en entreprise... selon l’ouverture d’esprit des étudiants et leurs opportunités.
Concernant la formation professionnelle des architectes, comment l’envisagez-vous?
Elle arrivera dans un second temps. Une fois que nous aurons la reconnaissance du diplôme, nous développerons la formation professionnelle à travers une habilitation à la maîtrise d’œuvre en nom propre (HMONP) que nous essaierons de faire évoluer. Je pense qu’il est absurde de donner cette habilitation un an seulement après le diplôme. Il vaudrait mieux poursuivre par deux ou trois ans d’exercice en agence comme cela se pratique ailleurs, notamment en Grande- Bretagne.
En quoi l’enseignement de l’institut Confluence se distinguera-t-il?
Nous allons d’abord fonctionner par séminaires intensifs. Par exemple, Alfredo Brillembourg, qui a travaillé dans les bidonvilles de Sao Paulo et Caracas, interviendra cet automne autour de l’action sociale et l’interaction avec la ville. Il y aura aussi des cours de neurosciences pour resituer la question du corps dans l’espace. Nous mettrons en place le studio vertical ou tout le monde participe au même projet, de la première à la cinquième année. C’est un peu le principe des Beaux-Arts autour de l’atelier, avec l’obligation de changer de studio chaque année. Enfin, comme dans les grandes écoles internationales, l’enseignement ira de la réflexion jusqu’à la fabrication, en passant par le prototypage. En France, certains établissements ne disposent pas d’ateliers de maquettes, c’est dramatique.
Les Ensa assurent être sous- dotées...
Certes, mais il faut arrêter de tout attendre de l’État. Désormais, un directeur d’école doit avoir des idées et trouver des moyens par lui-même. Quand je suis arrivée à l’ESA en 2007, j’ai constaté que l’école ne disposait que d’un atelier bois. Je suis allée directement voir les fabricants pour obtenir une découpe laser en expliquant que l’école serait la première à l’utiliser. Il est possible de négocier avec les industriels qui savent que les étudiants représentent un potentiel de clients et donc, un marché.
Pourquoi, selon vous, n’y a-t- il pas d’écoles françaises avec un positionnement fort ?
Le Ministère devrait les autoriser à être plus autonomes. Mais les écoles doivent aussi accepter d’être différentes et la différence fait peur. Les enseignants ont besoin de certitudes. Le malaise dans la profession d’architecte fait que tout le monde veut se raccrocher à un système standardisé, à se rapprocher de l’ingénierie ou de la recherche.