Le numéro de février d'AMC est paru
Au sommaire du numéro d'AMC qui vient de paraître (n°266-février 2018): un dossier sur les programmes hospitaliers, des détails sur les ventelles et une matériauthèque consacrée aux isolants biosourcés. Mais aussi une enquête sur le réemploi in situ du chantier de la caserne de Reuilly (Paris XIIe) et les réalisations du mois: le Louvre d'Abu Dhabi par les Ateliers Jean Nouvel, un lieu culturel par Nicole Concordet à Poitiers, une résidence étudiante à Paris XIVe par ANMA, six maisons éclusières dans la vallée de la Somme par Deprick-Maniaque, ainsi qu'un centre de loisirs à Sydney par Pal Design+Frost Collective. En référence, les façades bioclimatiques du siège de l'Unesco (Zehrfuss, Nervi et Breuer), à Paris.
Edito
Amour de l'art
On aura tout écrit sur le musée du Louvre d’Abu Dhabi –inauguré en novembre dernier par Emmanuel Macron et Cheikh Mohamed ben Zayed Al Nahyan– et la marchandisation de la culture et du patrimoine français qu’il semble induire. En 2007, l’accord signé entre la France et les Emirats arabes unis prévoyait la concession de la marque Louvre à l’Emirat, le prêt pendant 10 ans des collections d’une douzaine de musées français, l’organisation sur 15 ans d’expositions temporaires par l’Agence France-Muséums, une assistance technique de 30 ans, le tout pour la coquette somme de près d’un milliard d’euros. Sans compter, bien sûr, la prestation d’une agence d’architecture française, les Ateliers Jean Nouvel, probablement la plus cotée au monde. Exportation du savoir-faire français en matière muséale et artistique? Exemple accompli du soft power que la France cherche à exercer au Moyen-Orient? Souhait de la part d’Abu Dhabi de bénéficier d’une image culturelle haut de gamme certifiée France pour se distinguer du voisin Dubaï versé dans l’immobilier et les shopping malls extravagants? Volonté d’affirmer une ouverture vers l’Occident et de s’en attirer les bonnes grâces en propageant un message de paix interculturel et interreligieux? Tout cela a joué, bien sûr. On ne construit plus un musée de cette ampleur uniquement pour l’amour de l’art. Les considérations économiques, voire géopolitiques, prennent le pas sur l’éducation des foules. Des voix se sont élevées pour dénoncer ce dévoiement du patrimoine français qui se vendrait au premier venu nanti de pétrodollars. Mais la France n’a pas le monopole de l’exportation muséale et des transferts de technologies culturelles. Le mouvement de franchise de la culture a démarré il y a plus de vingt ans avec la création d’un musée Guggenheim à Bilbao –qui va d’ailleurs connaître également une nouvelle succursale à Abu Dhabi conçue par Franck Gehry– et s’est amplifié depuis. Le centre Pompidou va en établir une en 2019 à Shanghai, construite par David Chipperfield. Faut-il s’en réjouir, faut-il en pleurer? La mondialisation de l’industrie muséale semble bien irréversible et la France sacrément bien placée dans ce domaine. On n’a pas de pétrole mais on a des musées prestigieux que le monde nous envie et est prêt à accueillir. Alors pourquoi bouder son plaisir? D’autant plus que le Louvre de Jean Nouvel est une vraie réussite (cf p.20), aussi bien par son programme qui propose une histoire thématique des grandes civilisations que par son architecture arabe revisitée, ancrée à la fois dans le désert et la mer.
Gilles Davoine, rédacteur en chef