Le vernaculaire selon Bruno Zevi - Livre

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Dialectes architecturaux, de Bruno Zevi, Éditions du Linteau

Pourquoi ne pas s’inspirer, comme en poésie, des dialectes urbains? des jargons architecturaux? des patois spatiaux? Telles sont les idées qu’expose Bruno Zevi dans ce qui constitue le dernier volume de son "Histoire de l’architecture en Italie". Cette réédition –le livre a été publié en 1996 alors que l’auteur était âgé de 78 ans– est plus que jamais d’actualité, la notion de vernaculaire occupant le devant de la scène.

En 1951, c’est la construction des quartiers neufs de Matera, ville de l’Italie méridionale habitée depuis le néolithique, qui le conduit à s’interroger sur la signification de l’architecture populaire. Non pas qu’il ait cherché à reproduire un répertoire de formes; sa volonté était au contraire d’y trouver le terreau de nouveaux espaces d’humanité en symbiose avec la vie, en privilégiant l’asymétrie et la dissonance. Pour bien comprendre le propos de Bruno Zevi, il faut recourir à la distinction que font les Italiens entre "poésie dialectale" et "poésie en dialecte". Si la première pérennise une tradition et s’inscrit dans une ligne conservatrice, la seconde laisse place au renouvellement –comme en témoigne de façon emblématique la poésie en frioulan de Pasolini. A partir de ce modèle linguistique, l’historien établit ainsi des équivalences avec l’architecture: des langages de périphérie, des espaces et des respirations spatiales différentes. Entre la sacralisation et la désacralisation de ce que représente l’architecture populaire, il en parcourt l’histoire vue par les spécialistes, passant de la Grèce antique à la Renaissance jusqu’au siècle dernier. Il n’hésite pas à mettre en perspective les propos de Piero Pierotti sur l’urbanisme démocratique des bidonvilles, ceux de Bernard Rudofsky et de son exposition "Architecture without Architects" au MoMA (1964-1965), ou ceux de Robert Venturi sur la charge esthétique de la ville de Las Vegas. Très dense, l’ouvrage est une mine où il faut aller ­piocher d’un chapitre à l’autre, tant il recèle de matière sur le sujet mais aussi de prescience. Ainsi Zevi interrogeait-il déjà: "Quand donc se manifestera l’acte courageux qui reconnaîtra les périphéries, le suburbain, le non-planifié, la non-architecture des géomètres et des experts en construction? Quand cesserons-nous de prononcer des discours en latin?"

 

  • Dialectes architecturaux de Bruno Zevi
    Éditions du Linteau, 150 p., 2016, 21 €.

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