Les lieux mémoriels d'aujourd'hui - Livre

Pour l'architecte anglo-ghanéen David Adjaye, qui signe l'avant-propos de cet ouvrage consacré aux mémoriaux contemporains, on assiste à une démocratisation de ce programme si particulier, tenant à la fois du monument et du non-monument. L'enjeu est de donner forme à un objet de captation du souvenir qui dépasse l'entendement ; de sanctifier une trace qui interpelle le visiteur, ne le laisse pas indemne. A cet égard, l'architecte du musée national de l'Histoire et de la culture afro-américaines à Washington et commissaire de l'exposition « Making Memory », présentée au Design Museum à Londres en 2019, souligne : « Les mémoriaux doivent cesser d'être des objets statiques pour devenir des espaces dynamiques. Aujourd'hui, je ressens un appel à l'action en matière de visibilité et de forme. Avec elles, le récit que proposent les mémoriaux permet de projeter ce à quoi les gens sont confrontés dans le monde : identité nationale, droits des citoyens et de l'homme, action climatique. La forme commémorative est un acte majeur de non-oubli. ». A l'heure où l'on repense la façon dont l'histoire est racontée dans l'espace, David Adjaye est convaincu que l'architecture conserve son pouvoir de refléter une expérience du temps et du lieu. En témoigne la sélection internationale de plus de 60 monuments commémoratifs révélés dans le livre, conçus par les plus grands architectes actuels : Tadao Ando, Diller Scofidio+Renfro, Peter Eisenman, Daniel Libeskind, Maya Lin et Peter Zumthor. Elle comprend également des projets imaginés par des artistes tels Isamu Noguchi, Taryn Simon et Rachel Whiteread. Des exemples qui incluent des œuvres célèbres, comme l'emblématique mémorial de la Guerre du Vietnam de Maya Lin, achevé en 1982 à Washington, et d'autres, plus récents, comme le poignant mémorial national pour la Paix et la justice, présenté par le groupe MASS Design à Montgomery en Alabama en 2018. Ces monuments sont situés partout dans le monde ; plusieurs en France. Sont ainsi présentés le mémorial international Notre-Dame-de-Lorette de Philippe Prost, achevé en 2014 pour célébrer le centenaire de la Grande Guerre, celui du camp de Rivesaltes de Rudy Ricciotti avec l'agence Passelac & Roques (2017) ou encore celui de l'abolition de l'esclavage à Nantes par Wodiczko et Bonder (2012). Magnifiquement illustré de 200 photographies, cet ouvrage très personnel dresse un panorama d'une architecture commémorative qui montre que la diversité des projets en matière de style et de thème a fortement évolué depuis les années 1980. Aussi multiples que le sont les drames humains, les mémoriaux demeurent, à n'en pas douter, un programme d'avenir.