Les thermes de Vals dessinées d'après désir - BD

Zoom sur l'image Les thermes de Vals dessinées d'après désir - BD
© Lucas Harari - L’AIMANT, Lucas Harari, Editions Sarbacane

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Le jeune illustrateur Lucas Harari a fait des thermes de Vals le théâtre d'un polar envoûtant qui retrace le voyage initiatique de Pierre, étudiant en architecture, persuadé que le bâtiment recèle un secret.

Les thermes de Vals sont un objet de culte: chaque année, des centaines d’architectes franchissent les cols suisses pour atteindre le temple aquatique de Peter Zumthor. C’est malgré lui que Lucas Harari, alors adolescent, fait le pèlerinage. Traîné par ses architectes de parents, il s’est trouvé submergé par le lieu, ses parois sombres et ses lignes claires. « Les thermes sont entrés dans mon panthéon personnel », explique l’illustrateur. De ce choc esthétique, il a fait son projet de diplôme des Arts décoratifs, devenu la fascinante bande dessinée L’Aimant. Le polar restitue ce voyage initiatique à travers celui du héros, Pierre, étudiant en architecture persuadé que le bâtiment recèle un secret, une porte dérobée.

Contes fantastiques

« La migration vers un lieu iconique mais isolé, la neige, etc.: le potentiel narratif des thermes de Vals est très fort », détaille l’auteur. L’atmosphère « zumthorienne » est un terrain fertile pour la créativité. D’autant plus que la perception émotionnelle d’un espace est l’outil de conception fétiche du Pritzker 2009. Lui qui, toujours, lie la fiction au réel en façonnant ses projets comme on écrit des contes fantastiques. A l’image de celui des fermiers de la chapelle de Frère Nicolas (2007) qui ont brûlé leur bâtiment de l’intérieur pour obtenir des parois de suie.

Monument fantasmé

Lucas Harari n’est jamais retourné à Vals. Il a conçu sa BD comme un livre mémoriel, une reconstruction mentale de ses sensations d’adolescent. Sans le dire ou sans le savoir, il a « dessiné d’après désir », ce geste introspectif qu’encourage Peter Zumthor dans Penser l’architecture. L’Aimant est donc une version fantasmée du monument, parfois antidatée (l’hôtel a aujourd’hui bien changé), et la quête mystique du personnage est aussi cérébrale que les « thermes d’Harari ». Les cases portent parfois la trace des photographies d’Hélène Binet, célèbres au même titre que le bâtiment. Mais c’est lorsque l’auteur, aidé d’une modélisation 3D, s’éloigne des points de vue iconiques, qu’il livre une analyse architecturale étonnante. Vidé, l’édifice devient ville et l’hyperdensité des cases reflète l’aspect labyrinthique et oppressant de cet espace monomatière.

 

Enfin, à la tension géométrique des lieux et des planches répond celle du corps du héros, sorte de Tintin taiseux qui bout de l’intérieur, comme l’édifice hanté qu’il arpente. C’est cette ubiquité entre l’architecture et le personnage, l’architecte et l’auteur qui est saisissante. Pierre est à l’image des thermes et de l’idée que l’on se fait de leur concepteur, sombre et solitaire. Lucas Harari n’a jamais rencontré le flegmatique maître des Grisons, qui ne sait pas que le livre existe, paraît-il.

 

 

  • L’AIMANT, Lucas Harari Editions Sarbacane, 152 p., 25 €.

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