Matière grise : les livres de Pauline Marchetti, en quête d'autres modèles
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Parce que les défis sociaux et environnementaux contemporains sont immenses, qu'ils mettent à plats les modèles architecturaux et les références intellectuelles, la rédaction d'AMC interroge les architectes, les enseignants et les chercheurs sur leurs livres pour penser le passé, le présent et le futur. Une "matière grise" à mettre en partage, pour fabriquer une nouvelle culture commune. L'architecte Pauline Marchetti, co-fondatrice de l'agence d'architecture Ferrier Marchetti et de son antenne dédiée à la recherche, le Sensual City Studio, expose sa bibliographie, en quête d'autres modèles, d'autres outils, d'autres méthodes pour penser l'architecture.
Christopher Alexander, Sara Ishikawa, Murray Silverstein, A Pattern Language, Towns Buildings Construction, Ed. Oxford University Press, 1977
Contrairement au Neufert qui impose une vision fonctionnaliste que je récuse, cet ouvrage est une mine d’or que je feuillette régulièrement. Il ne classe pas les sujets par échelles mais les mélange dans un récit dont le langage est celui de l’architecte. Lorsque l’on parle de ville sensuelle c’est sans doute un livre précurseur et essentiel.
Émilie Hache, Reclaim, Ed. Cambourakis, 2016
De mon point de vue, son contenu est indispensable à toute pensée écologique. Mais il est également important car les textes qui sont présentés ont été négligés par la pensée académique – majoritairement masculine - pendant des années. Au-delà du genre, la forme ne correspondait pas aux standards. Cela fait écho à mon approche de l’architecture lorsque je mène recherche et action de front, forme hybride de pratique, qui a eu du mal à être comprise.
Honoré De Balzac, La comédie humaine, Ed. Gallimard, Coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1976
Honnêtement je ne les ai pas tous lus. Au travers de la fiction, Balzac s’engage en dépeignant une réalité sociale voire philosophique d’une époque. C’est une source intarissable de description d’espaces et de relations humaines plus que jamais inspirantes aujourd’hui. Cela convoque forcément mon imaginaire d’architecte, et me rappelle que le vécu doit primer sur la forme et l’effet.
Chris Ware, Building Stories, Ed. Pantheon Books, 2012
C’est un incontournable du genre. Entre ceux qui pensent qu’il faut plus d’architecture et ceux qui relèguent la discipline au deuxième plan de la technique pour affronter la crise écologique, je fais partie de ceux qui pensent qu’un décloisonnement des disciplines permet de dépassionner le débat pour trouver des réponses justes et soutenables. Ici l’auteur fictionne et représente l’architecture du quotidien avec brio, indissociable des situations vécues par les personnages ; un bel exemple pour sortir de l’omnipotence de l’image réaliste qui fige et aplatit quand nous avons besoin de mouvement et d’épaisseur.
Pauline Marchetti, juillet 2023
