« Nous avons revu les standards de hauteur d’étage, d’épaisseur et de circulations intérieures », par Patrick Rubin, architecte, Canal architecture
- Frédéric Mialet
- Points de vue
Dans son numéro 262-septembre 2017, AMC consacre un dossier à l'architecture réversible qui, réclamée par les élus et les aménageurs, commence à mobiliser les promoteurs, les majors du BTP mais aussi les architectes. Dépendant du système structurel initial, mais aussi de l'enveloppe, et du dessin intérieur, le changement d'affectation d'un édifice n'est pas un simple moyen d'adaptation aux aléas du marché immobilier : il est soumis à un arsenal de normes réglementaires, fiscales et administratives, variant selon les programmes. A l'heure où la flexibilité paraît à nouveau une priorité, AMC laisse la parole aux acteurs engagés pour comprendre comment anticiper la possible transformation d’un bâtiment, dans une équation économique réaliste.
Interview de Patrick Rubin, architecte, Canal architecture
AMC : Du siège de Libération installé dans les années 1980 dans un ancien garage à la toute récente médiathèque de Brest occupant les anciens ateliers de l’Arsenal, quel bilan tirez-vous des nombreux bâtiments que vous avez reconvertis ?
Patrick Rubin : Il n’existe pas de bâtiments strictement identifiés pour leur fonction. Mais le coût de leur changement d’affectation a été renchéri, depuis une dizaine d’années, par l’accumulation des normes réglementaires. Militants de la réparation, nous anticipons les changements d’usages dès la conception. Avec Génie des lieux, nous avons travaillé en 2015 pour Vinci Construction qui souhaitait finaliser une démarche de réversibilité bureaux-logements à partir d’un système industrialisé poteaux-dalles. Nous avons remis en cause les standards qui ont cours dans les deux types de programmes – la hauteur d’étage, l’épaisseur du bâtiment, les circulations intérieures – pour créer le concept Conjugo.
Quels sont les points clés du concept Conjugo ?
Nous proposons de ramener à 2,70 m les hauteurs entre planchers, alors que celles pratiquées dans les bureaux sont de l’ordre de 3,30 m. Les progrès effectués dans la miniaturisation des réseaux techniques permettent la suppression des faux planchers et plafonds en offrant un bon niveau de confort. Quant aux logements, dont la hauteur standard est de 2,50 m, l’ajout de 20 cm est acceptable sur le plan financier au regard de l’apport qualitatif. Pour accueillir des programmes variés, il faut également disposer d’espaces traversants. Il faut donc remettre en question la forte épaisseur des bâtiments tertiaires, qui empêche de libérer de grands plateaux de façade à façade. Nous proposons de passer d’une épaisseur de 18 à 13 m sur deux travées et de sortir les circulations en coursives pour répondre aux contraintes de sécurité incendie des bureaux et des logements.
Comment comptez-vous porter ce projet encore théorique ?
En 2016, nous avons complété et précisé les dispositifs de base. Dans le cas d’une mutabilité de bureaux en logements, la distribution des réseaux se fera sans reprise structurelle : on peut préparer des « fusibles » dans les planchers pour les futures canalisations d’évacuation gravitaire des eaux. Nous proposons de limiter à 30 % les composants à modifier sur les enveloppes et de favoriser les doubles niveaux en rez-de-chaussée et en toiture, au profit de l’ensemble des occupants. Nous présentons cette démarche dans un livret collégial, Construire réversible, en libre accès sur notre site internet.
Propos recueillis par Frédéric Mialet