"Nous voulons des États généraux de l’enseignement de l’architecture", collectif Ensa-en-lutte
- Margaux Darrieus
- Écoles
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D'après le collectif Ensa-en-lutte, qui fédère de nombreux étudiants, enseignants et agents administratifs des écoles d'architecture, se sont actuellement 14 des 20 des Ensa qui ont "banalisé" leurs enseignements ou font cours autrement, pour dénoncer la précarité dans laquelle se trouve leurs établissements. Rencontre avec des membres du mouvement, qui expliquent leurs actions et revendications, pour un investissement massif et durable dans l'enseignement de l'architecture.
AMC : Le mouvement Ensa-en-lutte, parti de l’Ensa Normandie en février dernier, essaime dans la plupart des écoles d'architecture françaises. Pouvez-vous expliquer comment se structure ce mouvement ? Qui le compose, comment fonctionne-t-il et pourquoi se fédérer ainsi ?
Ensa-en-lutte : Ensa-en-lutte est un collectif aux visages pluriels, traduisant la diversité de nos écoles nationales supérieures d'architecture et de paysage. Il mutualise les forces entre les Assemblées générales des toutes les écoles, les réseaux étudiants, associatifs, syndicaux, ceux des enseignant.es, doctorant.es, contractuel.les, les instances, etc. Nous mettons aujourd’hui tout en œuvre pour fédérer l’ensemble des acteurs de la filière autour de revendications communes. Nous portons des luttes qui traversent nos écoles depuis des années, dans l’objectif de construire un plaidoyer global et ambitieux. A termes, nous espérons qu’Ensa-en-lutte fasse progresser largement l’enseignement supérieur public de l’architecture pour répondre aux enjeux d’aujourd’hui.
Pour cela, nous coordonnons des actions d’ampleur nationale, via des Assemblées générales hebdomadaires où sont représentées toutes les écoles. Le collectif ne fonctionne que grâce au travail bénévole d’étudiant.es, d’enseignant.es et d’agent.es administratifs de toute la France ! Nous avons également créé des groupes de travail ouverts, pour approfondir les sujets clefs de revendication.
Quelles sont vos revendications ? Sont-elles distinctes selon les établissements ?
Chaque Ensa fait face à ses propres problèmes, qu’ils soient budgétaires, humains ou pédagogiques. Cette situation critique a été aggravée par la réforme de écoles d'architecture de 2018. En effet, les engagements du ministère de la Culture n’ont pas été respectés, notamment la promesse de créer 150 postes d'enseignant.es-chercheur.es dans les écoles. Chaque école travaille donc sur différents documents comme des plaidoyers, des manifestes ou des lettres ouvertes, pour démontrer l’étendue et la gravité des difficultés rencontrées, ainsi que la détresse qu’elles génèrent.
Notre rôle est de montrer au ministère que ces difficultés “spécifiques” et “conjoncturelles” sont en réalité structurelles, car elles sont causées par un manque de vision politique, d’investissement et de dotation. Notre mobilisation souhaite prendre les problèmes de l’enseignement de l’architecture à la racine, c’est-à-dire au niveau des moyens humains, financiers et matériels alloués aux écoles d'architecture et de paysage. Ainsi, nous revendiquons une amélioration des conditions de travail des enseignant.es, du personnel administratif et des doctorant.es, une revalorisation des budgets pour étudier dans des locaux dignes, et une prise en compte des besoins essentiels des étudiant.es, aujourd’hui largement insatisfaits. Nous soulignons également la nécessité d’intégrer plus fortement les enjeux écologiques à nos formations et de favoriser un cadre scolaire inclusif et tolérant. Le ministère de la Culture a reconnu l’importance de toutes ces thématiques lors d’un rendez-vous le 13 mars 2023, en marge de la grande mobilisation qui a eu lieu sur la place du Palais-Royal à Paris, et dans toutes les régions, mais il ne propose cependant aucun engagement concret.
Quelles actions menez-vous actuellement dans les établissements qui ont rejoints Ensa-en-lutte ?
Chaque Assemblée Générale locale membre d’ENSA-en-lutte décide de ses actions. Nous proposons des cadres communs d’action et de communication. Actuellement, 14 des 20 écoles nationales supérieures d’architecture et de paysage ont banalisé leurs enseignements ou font cours autrement pour mener des ateliers de réflexion, de production et de sensibilisation autour de la lutte. Loin de tuer la créativité et l’apprentissage dans nos établissements, ces moments sont importants pour la formation des futur.es architectes. Pour certain.es, c’est l’occasion d’expérimenter de nouvelles pédagogies et de prendre le temps du recul sur les normes sociales et professionnelles que reproduisent nos écoles.
Dans les écoles où les cours n’ont pas été banalisés, le mouvement est aussi présent ! Ainsi, dans chaque ville ayant une école d'architecture, des cortèges participent aux manifestations plus larges, contre la réforme des retraites, pour les droits des femmes, pour le climat, etc.
En quoi les manques de moyens chroniques des Ensa sont-ils, d’après vous, un frein réel à l’évolution de l’enseignement de l’architecture et, plus fondamentalement, à l’implication des architectes dans la société ?
Actuellement, les manques de moyens auxquels sont confrontées les écoles d'architecture et de paysage imposent des budgets très serrés aux établissements, voire déficitaires dès le début de chaque année, surtout avec la crise de l’énergie actuelle. Ainsi, beaucoup d’écoles sont contraintes de réduire le nombre d’enseignant.es, les voyages pédagogiques ou les travaux de mise aux normes de leurs locaux. Tous ces choix impactent la pédagogie. Nos écoles ne devraient pas être réduites à effectuer de tels arbitrages. Pour les étudiant.es, le manque d’accès aux services médico-sociaux et à une alimentation digne, ainsi que le manque de protection face aux violences et aux discriminations réduisent leurs chances de mener à bien leurs études. Nous dénonçons aussi l’action trop faible de nos tutelles pour lutter contre des fléaux tels que la culture de la charrette et la précarité étudiante. Un autre enjeu crucial est la transition écologique. Bien que nos écoles fassent leur maximum pour adapter les maquettes pédagogiques, il est clair qu’elles manquent d’enseignant.es pour aborder cette question fondamentale.
Le ministère de la Culture s’est engagé à recevoir des représentants de l’Ensa Normandie et de l’Ensa Paris-La Villette, le 24 mars prochain. Qu’espérez-vous des actions menées depuis plusieurs semaines par Ensa-en-lutte ? Pensez-vous qu’elles auront un impact sur cette rencontre ?
Tout d’abord, nous espérons que nos actions ont mis en lumière les maux dont souffrent les écoles d’architecture et, plus largement, tous les établissement d'enseignement supérieur sous la tutelle du ministère de la Culture. Notre mouvement est solidaire avec les écoles d'art, et nous continuerons à lutter tant que les problèmes de chacun ne seront pas résolus, qu’aucune réponse concrète globale ne sera proposée par nos tutelles.
Ainsi, l’Ensa Normandie et l’Ensa Paris-La-Villette n’iront pas seules à ce rendez-vous. Bien qu’elles discuterons de leur cas particuliers, elles rappelleront toutes deux leur inscription au sein d’un mouvement plus global. Il est absolument nécessaire d’agir pour l’ensemble des Ensa. Notre dernière réunion, le lundi 13 mars, avec le ministère de tutelle n’a débouché sur aucune promesse ou action concrète. Nous continuerons et élargirons le mouvement tant que nous n’obtiendrons pas gain de cause. Notre détermination est forte, notamment parce que, pour beaucoup d’entre nous, il n’est tout simplement plus possible de continuer ainsi.
Quelles sont les actions que vous êtes prêts à mener, si vous estimez ne pas être entendus ?
Nous déciderons de nos actions futures dans le cadre collectif. Nous sommes prêt.es et organisé.es pour tenir. Toutes les Ensa sont aujourd’hui mobilisées, avec le soutien des enseignant.es et du personnel administratif. Cette forte mobilisation s’étend également aux écoles d’art et de design. Il n’est plus possible de nous ignorer ou de feindre que tout ira mieux sans rien changer.
Face à cette impossibilité d’établir un dialogue constructif et d’obtenir des engagements concrets de la part du ministère de la Culture, il faudra passer à l'essentiel. Nous voulons des Etats généraux de l’enseignement de l’architecture rassemblant tous les acteurs impliqués : étudiant.es, enseignant.es, administratifs, ministères de la Culture, de l’Enseignement supérieur, de la Transition écologique, des Finances et Ordre des architectes. Si nos interlocuteurs.rices n'y croient pas ou rechignent à s’engager, cela nous motivera d'autant plus à continuer la bataille.
Propos recueillis par Margaux Darrieus
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B.G.
Le 24/03/2023 à 14h46La crise existait déjà ds les années 70/80 à UP3 où j'étais. Certes les locaux n'étaient pas insalubres... La France est un pays et qui commence à l'admettre. Prendre des voies détournées, école d'ingénieur, Ecole nationale supérieure d'architecture de Lyon Vaulx?en?Velin 69512 Ecole spéciale d'architecture, oser partir à l'étranger... Le nbre d'architectes incompétents ou sans travail est effrayant..... En tout cas osern