Regard de photographe : mise en scène en temps réel de 11h45 (2/4)
- Karine Guilbert
- Photographie d'architecture
Chaque semaine, AMC donne la parole à un photographe d'architecture pour commenter l'une de ses prises de vues. Invité de cette série: Florent Michel - 11h45
Auxerre, Avril 2017. « Le scénario expérimenté à La Défense s’est développé et enrichi avec la commande du journal Le Monde à qui j’ai proposé le projet. Parfois les idées se synchronisent et aboutissent à des publications. Le journal préparait une série d’articles sur la France d’hier et d’aujourd’hui, la mémoire, et les transformations des villes, un certain visage de la France actuelle. Nous avons choisi ensemble les images d’archives de l’usine Fulmen, fermée dans les années 2009, mettant en perspective l’histoire et l’émergence d’un paysage déserté. Les bâtiments décharnés ne sont plus que les squelettes d’un patrimoine à l’abandon. Je n’ai pas cherché la dramaturgie mais plutôt le clin d’œil au coup du sort. En photographiant la scène par beau temps, j’introduis un soupçon d’ironie à l’image inoffensive. Les gants blancs du personnage, en noir, sont les signes évocateurs d’un commissaire de vente aux enchères, d’un tireur d’un laboratoire photographique, ou d’un majordome, ajoutant de la préciosité à l’image d’archive. J’avais envie d’aborder une autre approche de la photographie d’architecture, d’être libre de raconter des histoires, de changer de perspective. L’intention s’est portée sur la précision du cadrage obtenue après des dizaines d’essais et ajustements que je préfère assurer au moment de la prise de vue plutôt qu’en retouches de post-production. Une habitude acquise avec le travail à l’argentique dont le coût des tirages doit être maitrisé et implique de l’anticipation, de construire l’image avant la prise de vue. Le cadrage est de fait plus fixe, gagnant en précision dans un temps nécessaire à la préparation des meilleurs dispositions. »
Pour Florent Michel, la photographie est d’abord une histoire de transmission, une passion laissée en héritage par son père. Il se souvient des heures passées, plongé dans la lumière rouge du laboratoire familial, à regarder dans le bac « luminata » les images se révéler. Photographe de l’agence 11h45, il poursuit son travail de commande en parallèle de travaux personnels à travers lesquels il satisfait son attachement aux anciennes techniques et à l’histoire de la photographie. Résolument plastique et systématique, son travail est une exploration spatiale, parfois hantée d’une présence humaine pour en faire une signature créative.