Réinventer Paris 2: moins de salade, plus de profondeur
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Réinventer Paris, round 2, c'est parti!
Réinventer Paris: un nouveau modèle pour fabriquer la ville?
Les résultats de la deuxième édition de l'appel à projets urbains innovants «Réinventer Paris» ont été dévoilés au pavillon de l'Arsenal, devant un parterre hétéroclite de candidats mêlant politiques, promoteurs, bailleurs sociaux, associations sportives et quelques architectes. Lancée en mai 2017 par la mairie de Paris, la compétition d'initiative publique mais comptant sur l'inventivité du privé pour aménager la ville, avait ouvert à la concurrence 34 sites. Parkings, stations de métro fantômes et ancien bowling étaient regroupés dans un objectif: révéler le potentiel des sous-sols de la capitale.
Anne Hidalgo en est désormais convaincue, la formule «Réinventer Paris» est le meilleur moyen de booster la créativité du monde de l'immobilier et de l'architecture. «Cette méthode fait émerger des innovations qu'on ne pourrait pas imaginer dans le process classique de fabrication de la ville», a soutenu la maire de Paris en préambule de l’annonce des résultats de la deuxième édition de l'appel à projets urbains innovants. De fait, le public hétéroclite qui s'était pressé au pavillon de l'Arsenal le 15 janvier 2019 pour découvrir les lauréats le prouve: les acteurs de la fabrique de la ville se sont diversifiés. Autour des quelques architectes présents, beaucoup de promoteurs toujours, mais aussi de nombreux usagers des futurs projets. Comme pour la première édition de Réinventer Paris, la ville comptait sur eux, maîtrise d’ouvrage privée, pour transformer en équipes pluridisciplinaires (composées d'architectes, d'investisseurs, de groupes d’habitants et de start-up de tout poil), 34 sites glanés aux quatre coins de la capitale, de sa propriété ou appartenant à des partenaires (RATP, le groupe Renault, Efidis).
Lancé sur le thème "Les dessous de Paris" et s'intéressant aux souterrains de la capitale, l'appel à projets était l'occasion de valoriser des sites complexes, stations de métro fantômes, souterrains désaffectés, parkings désertés, etc. Au total, 217 groupements candidats se sont manifestés, sur 31 des sites proposés. Seuls 20 ont finalement hérité d'un projet suffisamment innovant au goût des jurys et trois sont encore en attente de délibération (l’institut Georges Eastman et la gare des Gobelins dans le XIIIe arr., Cabaret dans le VIe arr.). Des chiffres qui annoncent déjà des recettes moindres pour la ville, qui récoltera en cédant ses terrains 63 millions d'euros (nombre de terrains feront l'objet d'autorisations d'occupation temporaire ou de signature de baux). On est bien loin des 565 millions d’euros de gains annoncés avec Réinventer Paris saison 1.
Architectes et usagers
C'est l'une des évolutions notables de la deuxième édition de cette compétition d'initiative publique mais comptant sur l'inventivité du privé: seule la moitié des projets gagnants sont portés par des professionnels de l'immobilier (La Compagnie de Phalsbourg, Sogeprom, Emerige, etc.). Deux le sont par ses futurs usagers: la société Winereef propose d'installer un chai subaquatique dans les réservoirs de Passy (XVIe arr.); le groupe Arkose projette un mur d'escalade en plein air sous le viaduc de la ligne 6 du métro (XIIIe arr.). Un autre l’est par une association de riverains: L'usine des cinq sens sur le site «usine d'Auteuil» (XVIe arr.). Trois le sont par des architectes: Fontès architecture pour la Galerie Valois de la station de métro Palais royal-Musée du Louvre (Ier arr.); le Studio Dorell pour le tunnel Henri IV (IVe arr.); Neck-architecture en collectif pour Le Dédale (XXe arr.).
Du côté des architectes lauréats, la diversité est également de mise: on compte moins de starchitectes, plus de découvertes (Razzle Dazzle, Same architectes, Gillot+Givry, Syvil, Baehr & Landau, Oftrak, etc.) et quelques valeurs sûres (Philippe Prost, Herault Arnold, NP2F, etc.). Certes, Dominique Perrault rafle, avec Emerige, la transformation du sous-sol des Invalides (VIIe arr.) en un centre culturel consacré à l’art et l’artisanat. Il fallait bien une signature pour un site si prestigieux…
"La fabrique des arts 3.0", projet lauréat de Réinventer Paris 2, site Ateliers des Beaux-Arts (IIIe arr.), Emerige promoteur, Biecher Architectes, Frédéric Didier Architecte en chef des monuments historiques. © Emerige promoteur, Biecher Architectes, Frédéric Didier Architecte en chef des monuments historiques
Sport, culture et logistique
Le sujet des souterrains promettait de préserver le public de la choucroute verte qui recouvre les projets récoltés lors de la première saison de l'appel à projets. Il faut le reconnaître, l’originalité des propositions lauréates de Réinventer Paris 2 tient plus à leur programmation audacieuse qu'à leurs réponses architecturales, moins démonstratives. Evidemment, les constructions neuves ne sont pas légion. Il est plus souvent question de transformation de l’existant et de connexion des sous-sols avec les niveaux aériens. A venir: pour les papilles courageuses, un lieu de production et de consommation d’insectes comestibles dans Le Dédale; pour les artistes en quête de moyens, la "Fabrique des arts 3.0", fablab dévolu à la création imaginé par Emerige avec les architectes Christian Biecher et Frédéric Didier, dans les anciens ateliers des Beaux-Arts (IIIe arr.).
On ne s’étonnera pas que pour appuyer la préparation de ses JO 2024, la ville de Paris ait choisi de nombreux projets misant sur le sport. Ainsi de la «Cité universelle», lauréate sur le site Marseillaise, porte de Pantin (XIXe arr.), projet porté par le promoteur GA Smart Building. Dédié au développement et à la professionnalisation du handisport, ce lieu d’entraînement et de compétition conçu par les architectes Baumschlager Eberle et Inedit sera ceinturé d’une promenade extérieure circulaire, rampe ascendante reliant l’espace public à tous les programmes de l’ensemble (espaces de coworking, d’hôtellerie et restaurant accessibles et habitables pour les personnes en fauteuils roulants). Enfin, la question de la logistique urbaine se distingue également dans la sélection. Portée par les spécialistes du sujet, le promoteur Sogaris et les architectes de l’agence Syvil, la transformation du parking sous-terrain «Grenier Saint-Lazare» (IIIe arr.) en «grenier partagé» mêlera stockage déporté pour commerçants, microstockage pour riverains et conciergerie. Pour une logistique de proximité, connectée à la vie aérienne.
"La Cité universelle", projet lauréat de Réinventer Paris 2, site Marseillaise (XIXe arr.), GA smart building promoteur, Baumschlager Eberle Architekten, INEDIT Architecture. © GA smart building promoteur, Baumschlager Eberle Architekten, INEDIT Architecture