Renée Gailhoustet ou l'architecture généreuse - Livre
- Laurie Picout
- Livres
- Réalisations
- Patrimoine
Articles Liés
Marc Barani et Renée Gailhoustet, médaillés de l'Académie d'architecture
Si Jean Renaudie et ses logements en «étoiles» à Ivry-sur-Seine sont reconnus, il en va autrement pour Renée Gailhoustet. Architecte entre 1962 et 1998, elle a longtemps été oubliée parmi les acteurs remarquables du logement social. L’histoire retient davantage ce compagnon de route et ses acolytes de l’Atelier de Montrouge -Pierre Riboulet, Gérard Thurnauer et Jean-Louis Véret. Renée Gailhoustet est pourtant à l’origine de plusieurs opérations dans la continuité des fameuses «étoiles».
Au départ, rien ne prédestinait Renée Gailhoustet à l'architecture. Après avoir passé son enfance en Algérie, son pays natal, elle s’installe à Paris en 1947 pour étudier le cinéma mais se tourne finalement vers la philosophie. En parallèle, elle milite activement au Parti communiste et son passage dans les années 1950 à l’Ecole nationale des beaux-arts ne fait que conforter son engagement social. A l’heure de la construction de masse, elle dénonce l’échelle des opérations, la séparation des fonctions, l’habitat standardisé. Et lorsqu’elle intègre l’agence de Roland Dubrulle en 1962 avec pour mission la rénovation urbaine de la commune d’Ivry-sur-Seine, elle cherche à contourner ces règles qui normalisent les grands ensembles. Au Liégat à Ivry-sur-Seine (1971-1982), dans le quartier de la Maladrerie à Aubervilliers (1975-1985) ou à Saint-Denis Basilique (1977-1986), elle met tout en œuvre pour éviter la «cellule» standardisée.
Une pionnière du hors standard
Car même si elle est d’abord influencée par Le Corbusier et ses unités d’habitation, elle s’inspire davantage de la liberté créative de Team 10 et de ses membres, tels Alison et Peter Smithson ou Shadrach Woods, qui cherchent à dépasser le fonctionnalisme du mouvement moderne. Dès lors, à l’instar des cinq principes de Le Corbusier, Gailhoustet développe tout au long de sa carrière plusieurs leitmotivs: au sein du logement social qu’elle construit essentiellement en béton brut, elle réalise des terrasses ou patios en pleine terre, des espaces de vie selon une géométrie composée de triangles ou de cercles, des séjours distributifs, des chambres ouvertes, des espaces sans fonction prédéfinie et, quand cela est possible, des duplex ou triplex. Une démarche qui fera d’elle une pionnière en matière de logement social hors normes. Car, pour elle, «il est normal qu’à la variété des individus répondent de multiples propositions spatiales». Cet ouvrage richement illustré invite à plonger dans l’univers personnel de cette architecte engagée, qui habite ses œuvres depuis 1968. Il en révèle toute l’ingéniosité, sous la plume de Bénédicte Chaljub, qui a consacré sa thèse à l’œuvre de Renée Gailhoustet en relation à celle de Jean Renaudie (2007) et est l’auteure de "La politesse des maisons". Renée Gailhoustet architecte (Actes Sud, 2009). Un sujet toujours d’actualité, puisqu’à 90 ans, l’architecte vient de recevoir le Grand Prix de Berlin, après avoir reçu la médaille d’honneur de l’Académie d’architecture en 2018.
-
Renée Gailhoustet. Une poétique du logement, Bénédicte Chaljub. Editions du Patrimoine, 176 p., 150 ill., 2019, 25 €.