« Une fabrique d'initiative publique qui valorise les terres d'excavation du Grand Paris et forme aux métiers », Silvia Devescovi, urbaniste, ville de Sevran
- Dossier réalisé par Frédéric Mialet
- Profession
- Points de vue
- Terre crue
- Démarche Environnementale
Grâce au développement de nouvelles techniques - brique de terre compressée ou extrudée, terre coulée dans des banches -, la mise en œuvre des matériaux géosourcés devient accessible à un plus grand nombre d'entreprises. Une filière de fabricants et de formateurs se constitue progressivement et la recherche-développement progresse, annonçant de premières avancées réglementaires. Pour les acteurs de la ville décarbonée, l'art d'utiliser au bon endroit la terre crue, souvent associée à des fibres végétales, constitue une piste d'avenir. Rencontre avec Silvia Devescovi, urbaniste à la ville de Sevran. La commune de Seine-Saint-Denis a initié l'implantation sur son territoire de Cycle Terre, une coopérative qui commercialise des blocs de terre comprimée, pour valoriser les terres d'excavation des chantiers du Grand Paris Express.
AMC : Comment le projet Cycle Terre est-il né ?
Accueillant sur son territoire deux projets de gare du Grand Paris Express et une grande ZAC, la ville de Sevran s'est interrogée dès 2017 sur la possibilité de valoriser les terres d'excavation de ces chantiers en produisant des éléments de construction en terre crue, une question développée cette année-là dans l'exposition intitulée « Terres de Paris », au pavillon de l'Arsenal. L'idée était d'implanter sur la commune une petite industrie qui soit aussi un organe de formation pour la filière terre. Nous avons dénommé l'ensemble « Cycle Terre ». L'enjeu était double : développer l'emploi local et l'économie circulaire. La ville a alors candidaté, avec une dizaine de partenaires, à un appel à projets européen intitulé « Urban Innovative Actions », pour lequel elle a été retenue et a bénéficié d'un financement à hauteur de 80 %, soit près de 5 M€. Alors que, depuis plusieurs décennies, la construction en terre crue s'était raréfiée et concernait essentiellement les zones rurales, l'originalité de notre projet était sa localisation en milieu urbain. En trois ans, grâce à un portage politique fort, nous avons mis en service une fabrique d'éléments de construction en terre qui a été livrée à l'automne dernier. La ville a joué pleinement son rôle par sa capacité à définir des priorités, à fédérer des acteurs compétents et à mobiliser des financements complémentaires. Ce rôle est, pour une collectivité, très intéressant et relativement inédit.
AMC : Quelles sont les perspectives de développement ?
Cycle Terre a pris désormais le statut de société coopérative d'intérêt collectif pour réunir de nouveau plusieurs entreprises et collectivités, dont la ville de Sevran ; son fonctionnement repose sur cinq salariés. Nous projetons de la développer et d'élargir son rayon d'action 60 km alentour. La fabrique commercialise du mortier en sac, des blocs de terre comprimée et de l'enduit. Au moins 90 % de son volume de production ne comprend aucun liant hydraulique, afin de rendre le matériau entièrement recyclable. Cycle Terre a déjà obtenu trois Atex A pour ses produits, applicables sur différents chantiers.
Propos recueillis par Frédéric Mialet