Agence Pierre Audat - Boutique-musée - Paris IVe
- Raphaëlle Saint-Pierre
- 08/04/2016 à 07h00
- 75 - Paris
- Réalisations
- Patrimoine
- Galerie
- Reconversion
- Activités
La Société des cendres a restauré son usine du Marais en privilégiant la mise en valeur du patrimoine plutôt que les mètres carrés. Elle donne ainsi naissance au premier magasin de vêtements parisien doté d’un musée.
En 1864, Edmond Allard construit, au 39 rue des Francs-Bourgeois, un hôtel particulier et des ateliers pour la Société des cendres, dont l’activité consiste à traiter les poussières des joailliers et en restituer les métaux précieux. En 2010, la Société des cendres modifie son activité et déménage. Son directeur général, Jean-Cyrille Boutmy, décide alors de restaurer et reconvertir les bâtiments, dénaturés à l’intérieur par des extensions greffées au cours des dernières décennies. Son désir de dévoiler ce lieu au grand public l’oriente vers la création d’un espace de vente. Mais le plan de sauvegarde du Marais, initié par André Malraux dans les années 1960 et encore en vigueur, prévoit que soient détruits les ouvrages postérieurs au XVIIIe siècle situés dans les cœurs d’îlots en cas de changement d’activité. Il frappe donc de démolition les trois quarts de l’usine pour faire place à un jardin. Au regard de l’importance de ce patrimoine industriel subsistant dans le quartier, les Bâtiments de France autorisent alors une procédure d’exception, dans l’attente du nouveau plan de sauvegarde, afin de soutenir un chantier emblématique de réhabilitation. Pierre Audat reconstitue les espaces à partir d’archives illustrant la vie de la société. "Nous avons dû marier nos belles intentions avec une difficulté majeure : mettre aux normes un bâtiment dressé sur une parcelle profonde et étroite, avec un seul accès", raconte-t-il. À chaque étape de la restauration, l’architecte se bat pour que les qualités spatiales soient préservées. Ainsi le maillage du sprinklage est adapté au rythme de la charpente.
Restitution du volume de la nef
Pour éviter toute confusion, les interventions contemporaines sont en inox brossé, à l’instar de la verrière ajoutée au-dessus de la cour qui sépare les ateliers de l’hôtel particulier sur rue. L’intervention la plus spectaculaire réside dans la restitution du volume ouvert de la nef, débarrassée de ses ajouts et rythmée par la structure métallique des grandes fermes cintrées. Au fond, traversant la verrière, se dresse la cheminée dont il a fallu retirer 8 m par dépose des briques et opérer la réfection complète des joints et des cerclages pour la conforter. Pierre Audat réétudie les circulations, en préservant l’axialité très forte dans laquelle il inscrit le nouvel escalier monumental, en acier peint et inox brossé et dont l’écriture ultrasobre et fonctionnelle se conforme à l’histoire industrielle. Pour la nef, il choisit le blanc pour les parties pleines et un vert kaki pour marquer l’ossature et sa logique répétitive. Il réutilise le principe initial des mezzanines périphériques et compense la perte de surface commerciale dans ce volume central par l’exploitation du sous-sol. Des briques de verre insérées dans le sol de la cour apportent un éclairage naturel à ce niveau inférieur, tandis que des planchers de verre, au rez-de-chaussée de la nef, dévoilent les deux zones patrimoniales qui y sont aménagées. Ce musée retrace la vie des lieux à travers une scénographie qui mêle outils, film et maquette autour des deux meules.
En quête d’une enseigne qui tomberait sous le charme du site et voudrait concilier patrimoine et modernité, Jean-Cyrille Boutmy va s’accorder avec Uniqlo. Les échanges entre Pierre Audat et la marque japonaise poussent cette dernière à une intervention qui épouse l’esprit du projet. Masamichi Katayama, de l’agence tokyoïte Wonderwall, conçoit l’aménagement de la boutique en mettant l’accent sur l’univers de l’usine. Il transpose à l’échelle de la nef et à sa rigueur le système de classification hyperrépétitif caractéristique d’Uniqlo, évoquant un atelier où tous les rangements sont stockés et compartimentés dans des casiers. Pour les étagères qui se répartissent le long des murs, il adopte l’acier inoxydable et non le blanc comme d’habitude. Des luminaires au look industriel sont suspendus à la charpente. Seconde direction du designer: l’utilisation des technologies qui se glissent dans l’architecture, à l’image des écrans led qui prennent place aux fenêtres sur rue et sur cour. Uniqlo s’est si bien pris au jeu que la marque recherche désormais des lieux originaux pour ses nouveaux magasins. Quant au bâtiment, il vient d’être classé au titre des Monuments historiques.
- Lieu : Paris IVe
- Maîtrise d’ouvrage : La Société des cendres ; Uniqlo
- Maîtrise d'œuvre : Pierre Audat architecte (scénographie Pierre Audat et Sophia Boudou) ; Masamichi Katayama/Wonderwall
- Programme : restructuration et réhabilitation avec changement d’affectation pour créer un équipement commercial
- Surface : avril 2010 (début des études) ; avril 2014 (ouverture boutique Uniqlo)
- Calendrier : 1 850 m2 plancher
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jiher
Magnifique réalisation architecturale, respectant bien le "avant structurelle"... Bravo le Maître d'Ouvrage ... et Bravo le(s) archi(s)