Centre humanitaire Paris-Nord, par Julien Beller

A Paris, Emmaüs Solidarité a ouvert un dispositif temporaire de premier accueil des migrants unique en Europe et en a confié la conception à l’architecte Julien Beller. Le résultat est bien plus chaleureux que les habituels dortoirs déshumanisés des camps de transit.

Centre humanitaire Paris-Nord, par Julien Beller architecte - © Jean-Baptiste Gurliat / Mairie de Paris
photo n° 1/10
Zoom sur l'image Centre humanitaire Paris-Nord, par Julien Beller

L'un des huits quartiers du centre de mise à l'abri temporaire, installé dans l'ancien entrepôt de la Sernam.

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Mai 2016 : Anne Hidalgo, maire de Paris, interpelle l’Etat afin de créer une structure de premier accueil pour les centaines de migrants qui affluent chaque jour dans la capitale. Il faut un lieu digne, intermédiaire, facilitant leur passage de l’errance à un centre d’hébergement adapté. En novembre, le centre humanitaire Paris Nord ouvre ses portes, sur le site de l’ancienne gare Dubois où poussera bientôt le campus Condorcet. Le terrain a été mis à la disposition d’Emmaüs Solidarité et l’architecte Julien Beller, commissionné en juillet 2016, a transformé l’entrepôt de la Sernam en un lieu de vie confortable. Ancien membre du collectif Exyzt, il a pu faire valoir son expertise en construction éphémère et son implication auprès des Roms. Car le centre a une fin programmée : lorsque dix-huit mois d’activité seront révolus, il faudra le démonter, en espérant pouvoir le reconstruire ailleurs.

Bulle et containers

Avec moins de six mois pour réaliser un équipement modulable, décent pour ceux qui atteignent Paris après des voyages éprouvants, Julien Beller a dû mobiliser toute son inventivité et son réseau professionnel. Entouré d’autres architectes, d’ingénieurs, de graphistes et d’artistes, il a imaginé une alternative aux dortoirs déshumanisés qui peuplent habituellement les camps humanitaires. Empruntés aux structures d’aménagements festifs – et signature d’Exyzt, dont ils étaient les matériaux de prédilection -, des échafaudages, des panneaux OSB, des bâches, des containers maritimes et un graphisme ultracoloré distillent un peu de chaleur dans les lieux, pour que cette étape soit propice au repos des résidents et à l’organisation sereine de la suite de leur parcours.

 

Conçue avec l’expert des structures « gonflables » Hans-Walter Müller, la bulle jaune est l’un des trois espaces qui composent le centre, le premier par lequel passent les arrivants (entre 50 et 80 personnes par jour) et où ils sont orientés vers des équipements d’hébergement adaptés. Julien Beller a voulu un objet attrayant pour formaliser cette porte d’entrée symbolique de la France. Dans la halle sphérique, la lumière est diffuse et les portes tambours comme sorties d’un film de Michel Gondry. Il a fallu innover pour avoir le droit d’y installer les containers abritant des bureaux chauffés : des câbles tendus dégagent les sorties de secours en cas d’effondrement du chapiteau.

Chantier, village, camping

En face de la bulle, douze containers forment le pôle santé. L’isolant est floqué à l’intérieur des modules doublés de bois, dont les portes sont conservées pour faciliter leur déplacement. « Trois sources d’inspiration nous ont guidés : le chantier, qui se monte et se démonte; le village informel, pour que les personnes disposent d’espaces communs; les campings, avec leurs grandes et petites allées, qui mènent vers l’intimité », détaille Julien Beller. C’est explicite dans le centre de mise à l’abri temporaire, conçu pour loger 400 hommes seuls durant dix jours maximum.

 

Installé dans l’ancien entrepôt dont des bouts de façade ont été retirés pour garantir le désenfumage, il s’organise en huit quartiers de 50 personnes. Facilitant la proximité entre Emmaüs Solidarité et les résidents, cette hiérarchisation des échelles contrecarre le sentiment d’anonymat qui guettait les lieux. Pour leur donner une âme, les quartiers sont identifiés par une couleur et, surtout, par leurs espaces à partager : une terrasse, un réfectoire et du mobilier extérieur aménagé dans des échafaudages, petite attention qui participe à la création d’un environnement accueillant. Réalisées en ossature bois, les chambres (pour quatre personnes) sont chauffées, isolées phoniquement, équipées de prises électriques et ventilées. La production des modules est l’œuvre de Maître Cube, un groupement d’entreprises de la construction bois qui a mobilisé de nombreuses usines pour répondre à l’urgence du chantier. Un habillage textile protégeant de la pluie et une variation de hauteur distinguent les maisonnettes, qui disposent toutes d’un petit perron où faire sécher du linge.

 

  • LIEU : Paris XVIIIe
  • MAÎTRISE D’OUVRAGE : Emmaüs Solidarité
  • MAÎTRISE D’ŒUVRE : Julien Beller, architecte mandataire ; Sylvia Frey, Marion Bouchard, Djaffar Merrati, Marilyne Gillois, architectes ; Attila Cheyssial, architecte urbaniste sociologue ; Frédéric Keiff, architecte, conception échafaudage ; Nathan Levinson, ingénieur charpentier, conception des modules de chambre ; Florence Meunier, modéliste, conception des bâches ; L’atelier des Fluides, BET thermique et fluides ; Hans-Walter Müller, architecte, ingénieur, conception de la structure gonflable ; Liliana Motta, artiste botaniste, aménagements paysagers ; Surface totale, graphistes ; Delphine et Elodie Chevalme, artistes, installations sur clôtures
  • PROGRAMME : dispositif de premier accueil pour migrants
  • SURFACE : 4 534 m2 de surface totale ; 950 m2 , pôle accueil ; 208 m2 , pôle santé ; 3 376 m2 , centre de mise à l’abri temporaire
  • CALENDRIER : ouverture, novembre 2016
  • COÛT : 5,7 M€, coût construction ; 16,4 M€ (investissement et fonctionnement), répartis entre l’Etat et la ville de Paris

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