ÉQUERRE D'ARGENT 1996 / MENTION - ROLAND CASTRO ET SOPHIE DENISSOF - RESTRUCTURATION DU QUAI DE ROHAN À LORIENT

Après restructuration : Restructuration du Quai de Rohan, Roland Castro et Sophie Denissof, Lorient, Équerre d’argent 1996 / mention - © N. Borel
photo n° 1/8
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Au sud du bassin à flot, les trois barres des années 60, coupaient le chemin de la mer. Un écrélage a réduit la hauteur des bâtiments (R + 11) par palier de deux niveaux. La barre de 160 mètres a été divisée en deux.

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A Lorient, Roland Castro prend le prétexte de la réhabilitation d'un grand ensemble constitué de trois barres parallèles pour remodeler le quartier du Quai de Rohan. Entre l'attitude radicale de la table rase - demolition suivie de reconstruction - et la vision patrimoniale, qui prône le maintien du plan masse et des volumes au nom du respect d'un type de production du logement caractéristique de l'apres-guerre, l'opération du quai de Rohan, qui a reçu une mention au prix de l'Equerre d'argent du Moniteur, propose une troisième voie : à partir des bâtiments existants, il s'agit de modifier les formes - des vides el des pleins - par ajout ou retrait de matière, pour retrouver un peu de cette complexité qui fait la ville, L'opération menée à Lorient de 1990 à 1996 fera date, non seulement par l'intervention architecturale et urbaine qui s'est attachée à traiter la totalité des problèmes à toutes les échelles, mais aussi par l'imagination déployée pour faire converger différentes sources de financement et par un accompagnement social exemplaire. Au final, c'est une cité de près de 500 logements, zone d'exclusion sociale à la dérive à la fin des années 80, qui se voit réamarrée à la ville et réintégrée dans son fonctionnement. Le site ne manquait pourtant pas d'atouts: le Quai de Rohan borde le port de plaisance, en plein centre-ville. Mais si la reconstruction de la ville après la guerre s'est faite, au nord du bassin, par des tentatives intéressantes de typologies urbaines, les trois barres construites au sud du même bassin entre 1960 et 1962 étaient en deuil de toute urbanité : parallèles et étirées en longueur (deux fois 80 mètres et 160 mètres), leur implantation barrait le chemin de la mer. Elles se caractérisaient en outre par la mauvaise qualité des panneaux de béton préfabriqués, l'absence de toute isolation phonique, des halls d'entrée corridors, et l'indigence des espaces extérieurs. Avec 40 % de chômeurs dans la population active, le Quai de Rohan semblait condamné. En 1990, deux types d'intervention sont exclus d'emblée : la démolition pure et simple pour reconstruire du neuf et la réhabilitation de surface. Le pari est de transformer le quartier en utilisant les trois barres comme une matière première sur laquelle - par remodelages, additions et soustractions - on pose une nouvelle couche qui enrichit l'espace et dessine un nouveau lieu, à l'urbanité retrouvée. Cette voie, la plus délicate à suivre sur tous les plans - social, financier. architectural - nécessitait l'entente et l'enthousiasme de différérents organismes et individus : au premier chef, la ville, avec son maire, Jean-Yves Le Drian, et son adjoint à l'urbanisme, Norbert Métairie, l'agence d'urbanisme et son directeur, Michel Rio, le maître d'ouvrage, Lorient HLM, et son responsable, Alain Lampson, et enfin l'antenne DSQ dirigée par Brigitte Maltais et Serge Brunet. Une mobilisation des acteurs qui s'est faite autour du parti, architectural et urbain proposé par Roland Castro. D'abord, tailler, découper, redimensionner les volumes : la grande barre de 160 mètres est coupée en deux sur la largeur d'une travée de logements pour prolonger une rue et créer une ouverture en direction de la mer, Un ecrétage géneral réduit la hauteur des barres (R + 11) par paliers de deux niveaux, à partir des bords du bassin à flot. Des excroissances (avant-corps, larges terrasses, balcons) viennent atténuer la sécheresse des pignons. Ces coupes radicales éliminent une centaine d'appartements, recréés par la construction de petits bâtiments neufs en R +3, perpendiculaires aux barres, qui viennent délimiter l'espace public en reconstituant un système d'îlots ouverts. On y trouve dess formes de logements spécifiques (studios pour jeunes étudiants ou non étudiants, ateliers d'artistes, logements pour personnes âgées), mais aussi un dispensaire, une maison de quartier et une crèche parentale. Ce défi urbain n'a pu être relevé que par la recherche de financements multiples : aux subventions habituelles de type Palulos pour la réhabilitation des logements se sont ajoutés des financements PLA pour les constructions neuves, une subvention du FSU (Fonds social urbain), des emprunts auprès de la Caisse des dépôts ... le tout se montant à près de 143 millions de francs. Conserver la population sur place, pendant et après les travaux, représentait l'enjeu social. L'ampleur du remodelage ayant constitué un bouleversement pour tous les habitants, l'antenne DSQ (Développement social des quartiers) mise en place sur le site même a instauré un dialogue systématique avec la population pour faire comprendre le projet et mieux appréhender les besoins de chacun. Les habitants dont les logements étaient détruits ont pu s'installer provisoirement dans des appartements-hôtels, aménagés à cet effet, avant de prendre possession de leur nouvel appartement. Chaque famille a été reçue dans un appartement-témoin et a pu faire part de ses réactions par rapport aux prestations de confort envisagées : dans les séjours, par exemple, des éclairages en plafond ont dû être réintroduits en lieu et place des éclairages indirects prévus par l'architecte. La réhabilitation à proprement parler a pris différentes formes, de la simple remise aux normes des appartements à une recomposition des espaces - souvent un agrandissement du séjour par réduction de la surface des cuisines ou par l'ajout en façade d'avant-corps ou de bow-windows - jusqu'à la modification typologique de tout un étage autour d'un nouvelle cage d'escalier. Résultat : alors qu'il n'existait que cinq types de logements (du T1 au T5), il en existe aujourd'hui 48, pour répondre à toutes les demandes. En rez-de-chaussée des halls traversants ont été percés et se prolongent à l'extérieur pour modifier les conditions d'accès à l'immeuble. Les façades ont été peintes, en blanc, rehaussées de gris ou d'un habillage de bardage métallique. Les grandes hauteurs sont reproportionnées par l'ajout de larges corniches métalliques. L'espace public a été recomposé par le paysagiste Ronan Desormaux. Le stationnement est réorganisé autour de plantations; un parc principalement destiné aux enfants est aménagé, avec au centre un éléphant géant réalisé avec la participation des habitants. Le Quai de Rohan revit. La démarche de remodelage, sans faire disparaître la mémoire des trente dernières années, a permis de retourner une situation urbaine compromise.  

 

Visitez le site des architectes : http://www.castro-denissof.com/

 

 

 

  • Lieu : quai de Rohan, Lorient (56)
  • Maîtrise d’ouvrage : Lorient HLM (Alain Lampson) 
  • Maîtrise d'oeuvre : Roland Castro et Sophie Denissof, architectes mandataires; Rita Ceccherini et Bernard Cuomo, assistants; AURA (Jean-Luc Pellerin) architecte associé; AUL (Christophe Gautier), architecte associé; Ronan Desormeaux, paysagiste; Brigitte Maltet et Serge Brunet, antenne DSQ; Ethis, BET fluides ; AUA structures, BET structure; Socotec, contrôle
  • Surface : 38.000 m2
  • Coût : 143 MF TTC

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