Une petite plaque dorée, des dizaines de persiennes entrouvertes d’un gris-bleu pâle, une façade en pierre parfaitement rénovée. Non loin des arènes et de la place du Forum, l’adresse arlésienne de Lee Ufan se distingue par sa discrétion. On est à mille lieues de la clinquante tour de verre et d’acier qui annonce la fondation Luma, à quelques rues de là. Autre starchitecte, autre ambiance. Si la collectionneuse Maja Hoffmann a choisi pour son centre d’art un objet siglé Frank Gehry, l’artiste multiprimé Lee Ufan a confié à Tadao Ando l’aménagement d’un lieu d’exposition monographique pudique. Dans l’hôtel Vernon, bâti entre les XVIe et XVIIIe siècles autour d’une cour intérieure, s’épanouit une atmosphère imprégnée de spiritualité, où les œuvres minimalistes du Sud-Coréen dialoguent en profondeur avec la réhabilitation raffinée conduite par l’architecte japonais. Ici se tisse la même intimité entre l’art et l’architecture que celle suscitée au musée Ufan conçu par Ando sur l’île japonaise de Naoshima. Le centre d’exposition occupe les trois niveaux et la vingtaine de pièces de l’immeuble historique. Partout, la force esthétique et émotionnelle des installations se lie aux espaces dans lesquels elles se déploient.
Nature culture
Passé l’accueil, les vestiaires et le salon-librairie, aménagés par la designer Constance Guisset avec du chêne, de l’inox et du textile acoustique, on plonge dans la minéralité du duo Ufan-Ando. Les sculptures résonnent avec les salles aveugles aux murs de pierre, parfois enduits. Une spirale de béton, matière fétiche de l’architecte, enveloppe la projection d’un ciel nuageux. À chaque pièce suivante, une installation englobe le visiteur en confrontant matériaux manufacturés – verre, acier – et éléments naturels – pierre, bois. Un goutte-à-goutte remplit une vasque, les reflets de l’eau projettent leurs volutes sur la voûte de pierre. Un gigantesque plat d’acier, cerné de deux rochers, se courbe du sol au plafond. Par ces gestes minimaux, Lee Ufan creuse le sens des relations entre l’artificiel et le primitif. L’écartement des éléments composant les œuvres – quelques millimètres parfois – se fait la métaphore d’une tension palpable entre nature et culture, à l’heure où l’anthropisation du monde le fait peut-être courir à sa perte. En plus d’avoir adapté l’éclairage, la ventilation et l’accessibilité, Ando semble s’être attaché à traduire ce flou contemporain en geste architectural. Dans plusieurs pièces, les dalles de plancher interrompues quelques centimètres avant le mur dévoilent une rigole de cailloux blancs, un entre-deux mondes où ruissellent les émotions.