Le mobilier d'architectes s'expose à la Cité de l'architecture et du patrimoine à Paris
- Mathieu Oui
- 19/07/2019 à 10h00
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Du mouvement Arts and craft au Bauhaus, la conception de mobilier par les architectes a régulièrement marqué l’histoire de l’architecture et des arts décoratifs. Plus récemment, Alvar Aalto, Gio Ponti, Ettore Sottsass ou Zaha Hadid sont devenues des signatures reconnues en matière de design. Peu étudié jusqu’à présent, le mobilier des architectes des années 1960 surprend pourtant par sa richesse et sa pluralité créative, ce que révèle l’exposition présentée à la Cité de l’architecture et du patrimoine, à Paris, jusqu’au 30 septembre. Ses commissaires, Lionel Blaisse et Claire Fayolle, ont réuni pas moins de 246 pièces signées de 120 architectes. Outre celles exposées individuellement, 17 focus sont consacrés au Groupe Memphis, à des éditeurs (Artemide, Alessi, Knoll, Vitra…), à des architectes (Jean Nouvel, Frank Gehry…) et à deux pays (le Japon et le Brésil). L’extrême variété des propositions, en matière de typologie d’objets, d’esthétique, ou de choix de matériaux montre la difficulté de qualifier la spécificité du mobilier d’architectes.
« A la différence du designer qui travaille pour un éditeur ou qui fait appel à un fabricant, l’architecte agit en maître d’oeuvre. Dès le départ, il intègre les contraintes techniques en ayant décidé du matériau dans lequel l’objet sera réalisé », relève Lionel Blaisse
Lui offrant l’occasion de changer d’échelle, le mobilier fait souvent écho aux projets constructifs de son auteur et à son univers esthétique.
Matière à expérimentations
Avec sa bibliothèque escalier tout en acier, Claude Parent adapte ainsi le principe de l’oblique à cette pièce multifonctionnelle, à la fois mobilier, paroi et structure. Daniel Libeskind réinterprète la surface cristalline du Royal Ontario Museum de Toronto, en dessinant le fauteuil Altair Simplex composé de facettes en miroir. A travers cette production d’objets, l’architecte en profite pour expérimenter les potentialités des matériaux, de la structure, de la lumière, de l’outil numérique. Shigeru Ban décline l’usage du tube de carton pour sa méridienne Carta et teste le composite de déchets de bois avec sa chaise modulaire L-Unit Systeme. Les recherches de Daniel Widrig et de son Material Architecture Lab (MAL) sont également à l’honneur, dans une grande rotonde, à proximité des pièces futuristes de Zaha Hadid dont il fut l’un des collaborateurs. L’étonnante Coire chair, dont la forme évoque l’enchevêtrement de molécules, est issue d’un composite en fibres de coco. Quant à l’installation SnP, ses modules reliés par des tubes d’aluminium sont fabriqués en nylon recyclé. Il n’est pas certain, en revanche, que ces pièces sculpturales offrent un confort optimal.
Un cabinet en aluminium parmi les dentelles gothiques
En disséminant les oeuvres dans l’ensemble des espaces d’exposition permanente, les commissaires ont composé un parcours qui entraîne le visiteur dans les méandres de la Cité de l’architecture. Signée Adrien Gardère, la scénographie joue des contrastes temporels et a le grand mérite de décaler le regard sur les espaces, de les faire redécouvrir. De la bibliothèque à la galerie de l’architecture contemporaine en passant par la salle des moulages, le visiteur explore les étages et les dédales du palais de Chaillot. Avec sa structure inspirée des gréements de voilier, la bibliothèque Veliero, de Franco Albini, trône sous la fresque de l’arche de Noé de Saint-Savin sur Gartempe. Et le Riddled totem, de Steven Holl, cabinet en aluminium et bois découpé, a pris place sous la reconstitution du portail roman de l’abbatiale Sainte-Marie de Saintes. Quant à la Lace claustra, imaginée par Christian Biecher à la suite d’une commande de la manufacture de Sèvres, elle fait écho aux dentelles gothiques exposées sur les murs de la galerie des moulages.
Temps fort du parcours
La plateforme consacrée au Brésil se remarque par sa cohérence esthétique (usage de bois et simplicité des lignes) et le dialogue des oeuvres entre elles restent les temps forts du parcours de l'exposition. Chef-d’oeuvre d’épure avec son tube unique en guise de structure porteuse, le fauteuil Paulistano, de Paulo Mendès da Rocha, voisine avec son équivalent contemporain, la table Kaeko, un plateau de verre posé sur une structure d’acier de Rafic Farah. Une simplicité que l’on retrouve dans la chaise Girafa, de Lina Bo Bardi, reprise par son élève Francisco Fanucci, pour le tabouret Caipirao, d’inspiration vernaculaire.
Au sous-sol, une salle tout en longueur propose une synthèse des principales motivations des architectes créateurs de mobilier. Les commissaires ont identifié huit profils : l’héritier de la tradition, le designer professionnel, l’éditeur, le fabricant, l’engagé, le passionné, l’occasionnel et le chercheur… autant de figures qui peuvent se superposer ou se croiser, et élargissent leur horizon.
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Le mobilier d’architectes, 1960-2020Cité de l’architecture et du patrimoine, à ParisJusqu’au 30 septembre 2019