Les filtres gracieux de Susanna Fritscher, deux expositions en 2017
- Laure Carsalade
- 29/09/2017 à 10h00
- 44 - Loire-Atlantique
- 69 - Rhône
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L'artiste Susanna Fritscher crée des instants de grâce, avec des installations qui façonnent un dialogue léger avec les espaces investis. Cette année, elle s'installe à Nantes, au musée des Arts, où elle a déroulé un rideau de fils silicone. Mais aussi à Lyon, à la Sucrière, où son jeu d’hélices s’est fait sonore. Portrait en deux expositions.
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Stanton Williams – rénovation et extension du Musée d’arts de Nantes
On ne peut qu’être touché par l’humilité gracieuse de Susanna Fritscher. Sa démarche, très liée à l’architecture, n’est pas dans la forme: elle ne fait «rien, dit-elle avec délicatesse, que rendre visible un espace, qu’entrer en dialogue avec l’architecture». Elle voue un attachement particulier aux projets où, comme au musée des Arts de Nantes, les échanges ont été initiés en parallèle à la construction, avec les architectes Stanton Williams pour l’exposition de réouverture après rénovation: de l’air, de la lumière et du temps. Sa démarche qui consiste à sculpter la lumière, à magnifier l’existant, justifie son usage constant du blanc et du translucide pour ses différents travaux.
Expirations de verre
Ses interventions font preuve du même tact que sa parole. Dans le patio central du musée de Nantes, s’est installé un fragile labyrinthe jusqu'au au 8 octobre 2017. Ce sont 350 km de fils de silicone, tendus sur 15 m de hauteur, qui vibrent au moindre courant. Le respect de l'artiste se joint à l’enthousiasme que lui inspirent tous ceux qui accompagnent ses projets. Les maîtres d’un savoir-faire ancestral, les souffleurs de verre, par exemple. Les objets verriers exposés, provenant de la Cristallerie Saint Louis, représentent chacun le souffle du maître artisan qui lui a donné naissance, sorte de poumon extériorisé et poétique. Ou encore ceux, nombreux, qui ont monté son œuvre filaire monumentale, qui a nécessité une technicité partagée collégialement.
Chorégraphie sur fil
Le respect s’impose aussi naturellement à son public. Il n’est pas d’âge pour apprécier le circuit à l’intérieur de ce fin parcours de silicone tendu. A Nantes, l’œuvre est sous bonne garde mais ne nécessite quasiment pas de rappel à l’ordre. Un danseur lui a demandé s’il pouvait effectuer une chorégraphie sur ce terrain d’inspiration. Cela n’avait pas été envisagé à l’origine, «les chorégraphes, a-t-elle répondu, ce sont les pas des visiteurs», qui semblent en effet danser. L’enfant alterne sa cadence, entre la joie de l’aisance quand l’espace est ouvert, et le recul pour percevoir d’un regard vertical les limites qui donnent la direction à suivre. L’adolescent se plaît à accélérer le mouvement, affichant sa fierté à prévoir l’aventure. L’adulte oscille, se laisse tour à tour porter par les vides et cherche à élucider le mystère du dispositif. Dans les galeries périphériques, l’installation s’écoute. Les sons issus de tubes, mus par un moteur dans une giration progressive, ont des harmonies changeantes à mesure de l’accélération de la vitesse qui les ouvre en parasol. Ils rappellent le didgeridoo aborigène.
Etude aéroacoustique
Susanna Fritscher se reconnaît en «élève», comme elle a choisi de suivre les éclaircissements d’un expert aéroacousticien, non pas pour dominer un sujet mais afin de comprendre ce qui se joue dans les objets sonores qu’elle conçoit. Cette étude expérientielle a été poussée à Lyon pour la Biennale d’art contemporain, où sa structure habite un silo sur le site de la Sucrière, dans le cadre de la thématique 2017 des Mondes flottants. Elle y offre une nouvelle occasion de se perdre dans une situation sensorielle. Des tubes en plexiglas activent les flux de l’air passant à la manière des tuyaux des orgues, dans des variations allant du grave à l’aigu, toujours légères comme l’accompagnement d’une méditation. Ce vaste espace industriel lui-même tubulaire est mis en résonnance par la lumière dont de fins éclats suivent miroitant les ondes causées par le mouvement des visites. Rien ne s’ajoute, ne vient gratuitement enrichir ses œuvres que ce qui a déjà été pensé en amont ou au fil du processus. Ainsi a-t-elle invité la compositrice Eva Reiter à improviser à la viole de gambe au centre de l’installation, afin d’exploiter l’acoustique de cette cuve industrielle. Susanna Fritscher joue sur le fil du sensible et fait interagir lumière et son dans un équilibre adroit.
- Biennale d'Art contemporain de Lyon 2017
- Au silo Saône, à la Sucrière
- Jusqu'au 7 janvier 2018