Muoto - équipement sportif et restaurant universitaires - prix de l'équerre d'argent 2016

Pour construire un restaurant et un gymnase universitaires dans la campagne francilienne, les architectes de l'agence Muoto invoquent l’imaginaire des infrastructures qui lacèrent les métropoles. Mais grâce au soin porté au dessin, ils confèrent au bâtiment une poésie brutaliste indéniable.

Prix de l'Equerre d'argent 2016 - Equipement sportif et restaurant universitaires à Gif-sur-Yvette, Muoto (architectes), EPA Paris-Saclay (maître d'ouvrage) - © Maxime Delvaux
photo n° 1/5
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  • Cet article extrait du n°254 d'AMC vous est offert dans son intégralité par la rédaction

 

C’est le paradoxe du gigacampus de Paris-Saclay, créé ex nihilo dans la campagne francilienne: beaucoup de monde y vit, pourtant on n’y croise jamais personne. "Il existe une foule virtuelle de chercheurs et d’étudiants, mais qui ne dispose pas de lieu de rencontre", analyse Gilles Delalex, architecte associé de Muoto. Chargée par l’Établissement public d’aménagement de Paris-Saclay d’imaginer Le Lieu de vie, un équipement où s’agglomèrent les services (restaurant universitaire, cafétéria, salles de sport, salle de danse), l’agence a choisi de révéler les activités par la mise en scène des usagers. Plus précisément, celle de leurs déplacements à l’intérieur de cette déclinaison ludique d’un learning center.

Architecture de la foule

En contrepoint de la dissolution horizontale des parcours dans le plateau de Saclay, Le Lieu de vie propose leur contraction verticale, censée offrir l’urbanité qui manque au campus. "De nombreuses villes compensent leur faible densité par leur capacité à drainer des foules à l’occasion d’événements ou de marchés. Le Lieu de vie est une architecture de la foule", décrit Gilles Delalex. Ou plutôt une infrastructure –sujet cher à l’agence. Le gros œuvre en béton, mi-coulé en place, mi-préfabriqué, est en effet le support des déplacements. Son dessin, rationnel, a fait l’objet de toute l’attention des architectes pour assurer la fonctionnalité, formaliser l’expérience spatiale souhaitée et incarner l’image du bâtiment. Aucun capotage ne camoufle la structure et tous les matériaux d’enveloppe se calent sur son nu, illustrant le soin particulier porté aux détails de mise en oeuvre –une gageure quand on aspire à une esthétique brutaliste.

Manipulation

Les programmes s’empilent dans la structure poteaux-poutres comme des boîtes à chaussures se glissent dans des étagères: la cuisine et les salles de sport se superposent à l’arrière du restaurant, déployé en double hauteur sous les terrains de jeu aménagés en toiture. Ce volume compact est né d’une manipulation radicale du cahier des charges. Pour arriver à leur fin –et maîtriser les coûts–, les architectes ont mutualisé les usages au sein d’espaces amplifiés pour devenir polyvalents. Ainsi, la salle d’exposition a disparu au profit de l’augmentation du volume du restaurant, qui peut accueillir des installations et, finalement, n’a rien à envier à l’espace d’une galerie d’art. Autre originalité visant la compacité: la cuisine se développe sur trois niveaux à l’aide de monte-charges. Si l’on comprend la méfiance initiale des futurs exploitants, l’espace de travail entièrement vitré au troisième étage révèle la pertinence de ce choix. Cette compression du programme permet d’en réduire l’empreinte au sol et de dégager un parvis, donnant le recul nécessaire pour observer les flux intérieurs.

Condensé de ville

L’entrée s’effectue au cœur du béton structurel, où un escalier métallique extérieur dessert l’ensemble des services. C’est là que l’architecture mute réellement en infrastructure urbaine. L’ascension dans l’équipement se fait en plein air, par cette rue verticale incontournable, support d’un parcours séquencé de passages intérieurs et extérieurs, de grands volumes et de petits espaces. Les visiteurs qui arpentent ce condensé de ville deviennent un spectacle, grâce à un jeu sophistiqué de fenêtres, offrant des perspectives biaises entre les programmes, sur l’escalier et l’environnement. Les deux couloirs qui relient le self-service au restaurant s’ouvrent en balcon sur l’escalier, comme le dernier palier sur le réfectoire. Par ailleurs, cet empilement de fonctions dans une "ossature capable" dégage une vaste terrasse au premier étage, place haute en friche offerte au projet. Ici s’exprime l’attention des architectes à la perception des lieux: partout la retombée des poutres est accentuée pour théâtraliser la dilatation de l’espace. L’effet est particulièrement saisissant dans les salles de sport où, sous l’effet écrasant de la structure, le regard est projeté vers le paysage verdoyant du plateau de Saclay. Si les infrastructures de nos villes étaient aussi bien dessinées, les déplacements y seraient des balades pittoresques.

 

 

  • Lieu: Saclay, Essonne
  • Maîtrise d’ouvrage: Établissement public d’aménagement de Paris-Saclay
  • Maîtrise d’œuvre: Muoto architectes; Paulo Neves, Anne Gérard, Andra Stanciu, chefs de projet; Igrec Ingénierie, BET économie, fluides; Bollinger & Grohmann, BET structure; Alternative, BET acoustique-éclairage; Novorest, cuisiniste
  • Programme: restauration collective, café, terrains de sport, salles de fitness, espaces d’accueil et d’animation
  • Surface: 4100 m2 Shob; 2140 m2, espace public (passage, parvis et stationnement); 1375 m2, terrasses extérieures (mezzanine et terrains de sport en toiture)
  • Calendrier : concours, 2011; livraison, 2016
  • Coût : 6,5 M€ HT

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