OMA - Bibliothèque à Caen - Finaliste du prix de l'Equerre d'argent 2017
- Margaux Darrieus
- 21/11/2017 à 07h00
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- 14 - Calvados
- Rem Koolhaas
La bibliothèque Alexis-de-Tocqueville, conçue à Caen par Rem Koolhaas et ses associés de l'OMA, fait partie des huit réalisations encore en lice pour le prix de l'Equerre d'argent 2017. Annonce des résultats le 27 novembre 2017.
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Aux Cassandre qui prédisent l’extinction des bibliothèques, dévorées par le monstre internet, OMA s’impose en contradicteur à Caen. En réinvestissant le statut d’espace public et de condensateur d’échanges intellectuels, la bibliothèque Alexis-de-Tocqueville augure d’un futur réjouissant pour ces équipements. Il faut dire que la communauté urbaine Caen la mer, désireuse d’architectures attractives, aidée en cela par l’Etat, la région, le département, l’Europe et l’Ademe, a donné les moyens – près de 40 millions d’euros de travaux -à Rem Koolhaas de s’exprimer sur le fond et la forme du programme. Engagée dans la revitalisation de sa presqu’île, ancienne friche portuaire, la collectivité a choisi d’y relocaliser sa bibliothèque et son million de documents. L’urbanisme du quartier ne convainc pas encore. Les espaces publics conçus par Michel Desvigne sur un plan de Philippe Panerai sont en cours d’aménagement, mais on doute qu’ils rectifient le tir. Peu importe, car son anachronique peau de verre dépoli inscrit aisément la bibliothèque dans la collection d’objets posés çà et là – de qualité pour la plupart, comme le palais de justice conçu par Baumschlager Eberle et Pierre Champenois, et le fameux Dôme de l’agence Bruther, distingué à l’Equerre d’argent 2016 (catégorie lieu d’activité).
Forme-logo
L’ouvrage d’OMA forme une croix de Saint-André. Les raisons urbaines sont explicites : chaque branche, de 22 m de profondeur, pointe un témoin de l’histoire locale (l’abbaye aux Dames, la ville de la Reconstruction, le quartier de la gare et la presqu’île), en libérant quatre parvis pour que l’espace public file jusqu’au pied du bâtiment. Comme toujours, le discours d’OMA emporte l’adhésion. Mais l’intérêt de cette forme réside moins dans sa force évocatrice, opportuniste, que dans le fait qu’elle découle d’une résolution programmatique inventive. La croix n’induit pas un mouvement centrifuge, au contraire. Elle rassemble autour d’un cœur commun les quatre pôles (sciences humaines, arts, littérature, sciences et techniques), chacun installé dans une branche. Espace partagé où seulement 10 % du fonds est accessible, la salle de lecture se trouve à la croisée des collections, amorce et formalise les échanges.
La forme-logo de l’ouvrage est donc une transcription littérale du programme. Autant que l’approche structurelle : son enveloppe de verre le suggère, la salle de lecture est un vide, une absence de construction. La filiation avec le projet présenté pour le concours de la Bibliothèque nationale de France en 1989 est évidente : OMA proposait alors des salles de lecture figurant des excavations dans le volume compact formé par l’assemblage des archives. A Caen, des poutres-treillis échelles s’appuient sur les extrémités des branches, où les circulations relient les réserves en sous-sol. Ces ouvrages métalliques constituent le dernier étage du bâtiment, destiné aux enfants et aux bureaux du personnel. Dès lors, aucune descente de charges n’interrompt la pièce majeure du programme.
Agora
Grâce aux vitrages, bombés pour être suffisamment rigides sur 6 m de haut et se passer de béquilles, le plateau de lecture de 2 500 m2 est en prise directe avec la ville. Seuls les ascenseurs et les escalators transpercent le majestueux espace cruciforme, où les postes de consultation sont dispersés au milieu des rayonnages, les bibliothécaires au milieu des visiteurs. Avec OMA, la bibliothèque investit autrement son rôle de transmetteur de savoirs. Désacralisant l’atmosphère ouatée et ascétique traditionnelle, elle est à l’image de la société, hyperconnectée, multimédia, ultra-intense. Elle amplifie les interactions, entre les lecteurs, les livres et les tablettes (pour consulter les ouvrages en réserve), les journaux, les conférenciers et les expositions (au rez-de-chaussée). Elle devient une agora bercée du grondement des remontées mécaniques, la mise en scène des déplacements intérieurs évoquant l’effervescence des échanges que les lieux doivent produire. Il faut braver la froideur de sa peau laiteuse, moins réussie qu’à Seattle, pour tester cette réjouissante expérience.
- LIEU : presqu’île de Caen (Calvados)
- MAÎTRISE D’OUVRAGE : communauté urbaine Caen la mer ; Café programmation, programmiste
- MAÎTRISE D’ŒUVRE : OMA (Office for Metropolitan Architecture), architecte mandataire ; Rem Koolhaas et Chris van Duijn, partenaires ; Clément Blanchet, associé du concours au DCE ; Egis Bâtiments Centre Ouest, BET ; Elioth, BET HQE et façades ; RHDHV, BET acoustique ; Ducks Scéno, scénographie ; Barcode Architects, Clément Blanchet architecture, Inside Outside, Base design, VS-A, consultants
- PROGRAMME : bibliothèque multimédia à vocation régionale
- SURFACE : 11 700 m² SP
- CALENDRIER : concours, 2010 ; livraison, 2016
- COÛT : 39,65 M€ TTC (travaux)
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