Travaux à l’école Saint-Merri: nouvelle donne?

Conçue par les architectes Alain Gamard, Daniel Lombard et Édouard-Marc Roux en 1974, l’école Saint-Merri trouve son origine dans le réaménagement du plateau Beaubourg et du quartier des Halles. Si elle est connue pour sa pédagogie novatrice, elle l’est moins pour son architecture pourtant exceptionnelle qui se caractérise par son aspect intériorisé. Alors qu’une campagne de travaux a été annoncée, il est urgent de prendre la mesure patrimoniale de ce bâtiment-pont qui, dans le registre de l’architecture scolaire et du point de vue de son insertion dans le tissu ancien, s’impose comme l’une des créations des Trente Glorieuses parmi les plus remarquables de la capitale.

Vue aérienne (détail) de l’École Saint-Merri, prise du Centre G. Pompidou, 2009 - ©  O. Nouyrit
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L’école Saint-Merri en chantier – journée d’étude le 20 mai 2017 à Paris

À l’angle de la rue Saint-Merri et à l’alignement de la rue du Renard Beaubourg se voit un important édifice sur consoles de béton formant pilotis, dont la silhouette, le mur rideau, la texture et la coloration offrent un contraste demeuré saisissant avec l’alignement des façades minérales à socle pour l’essentiel post-haussmanniennes de la rue du Renard. Repère urbain connu sous le nom d’« École Saint-Merri », il ne s’agit non seulement d’un établissement scolaire novateur, à « aires ouvertes » mais aussi d’un « équipement intégré », livré en 1974, dont la construction et la conception trouvent leurs origines dans le réaménagement du plateau Beaubourg et du quartier des Halles[1]. La construction de ce nouvel édifice est la contrepartie d’un regroupement d’équipements et de la démolition d’un bâtiment scolaire municipal plus ancien, réquisitionné par le Centre Georges Pompidou. L’emplacement était devenu stratégique, et c’est sur une partie de son emprise que s’élève aujourd’hui l’IRCAM. La disponibilité d’une grande parcelle à peu près vacante à proximité immédiate de l’ancienne implantation a favorisé ce transfert[2]. Écho moderniste aux tubulures de la façade arrière du centre Georges Pompidou, l’École Saint-Merri est aussi un bâtiment-pont. Les généreux pilotis bruts de décoffrage qui dominent l’une des rampes de sortie de l’anneau routier des Halles sont aussi une réponse d’ordre infrastructurel à la nouvelle distribution du secteur. Plus de quarante ans après la livraison de l’établissement, le public le plus averti ne mesure guère une réalité architecturale exceptionnelle, profondément desservie par l’effet repoussoir que produisent simultanément l’encombrante fontaine maladroitement convertie en espace vert, l’ingrate sous-face de l’aile côté rue du Renard et le délaissé urbain de la rampe automobile[3]. Le 5 novembre 2016, à la faveur d’une visite DoCoMoMo organisée par Laurence Dronne, Anne-Marie Châtelet[4] a présenté et fait découvrir aux adhérents ébahis cet univers très privilégié et volontairement intériorisé qui est celui de l’école dans son état actuel, dont la qualité s’impose encore davantage du fait du contraste qui prévaut aujourd’hui entre l’état de déshérence des dehors et l’aménité des intérieurs.

Un chantier prévu en site occupé

Une lourde campagne de travaux a été annoncée par la presse : le chantier prévu en site occupé doit s’étaler sur plusieurs années consécutives[1]. Il s’agit d’une mise aux normes, rien de plus, mais rien de moins non plus. La fragilité des dispositifs pour l’essentiel intacts d’un bâtiment de cette génération est bien connue des spécialistes, et pour trouver leur pleine mesure, les compétences des maîtres d’œuvre appelés à intervenir sur celui-ci doivent pouvoir s’appuyer sur des convictions patrimoniales partagées. À cet égard, on a pu constater les quelques actions exécutées ici et là au coup par coup ne relèvent pas du registre d’une mise en valeur raisonnée des dispositions d’origine. Outre les espaces extérieurs en déshérence, la séquence d’accès a été considérablement altérée, et le hall dans son état présent ne laisse rien deviner de ce qui lui succède.

Une architecture scolaire remarquable du XXe

On n’a manifestement pas pris la pleine mesure d’un équipement qui, dans le registre de l’architecture scolaire et du point de vue de son insertion dans le tissu ancien, s’impose comme l’une des créations des Trente Glorieuses parmi les plus remarquables de la capitale. Or, on relève un consensus rare et précieux sur la valeur d’usage de l’équipement : enseignants, parents d’élèves, administration et habitués de la piscine et de la salle de sport s’entendent pour reconnaître la qualité d’une structure qui a pourtant pâti de l’indifférence, voire du mépris qu’elle suscite parfois. Si le principe de la labellisation de l’édifice au titre du patrimoine du XXe siècle a été récemment défendu avec vigueur par David Peycéré[2], l’accueil mitigé qu’a reçu cette initiative montre que l’objet dont il est question souffre d’une incompréhension préoccupante. La journée d’étude imaginée à l’issue de la visite de novembre dernier – décidée collectivement, il a été immédiatement admis qu’elle devait avoir lieu sur place – est une réponse à cet état de fait. Ce 20 mai prochain, avec la pleine adhésion de la direction de l’école quant à la tenue de cet manifestation, amateurs, historiens, usagers, maîtres d’œuvre, spécialistes de l’intervention sur l’existant de cette période sont attendus pour révéler à leur tour cette œuvre méconnue. Dans la bibliothèque convertie pour l’occasion en salle de conférence, on se propose de retracer l’histoire du bâtiment, d’en dégager le potentiel, ainsi que de brosser les perspectives d’avenir. Au-delà de son existence intrinsèque, la proximité immédiate d’un contexte monumental insigne – le Centre G. Pompidou, ancien maître d’ouvrage de l’édifice des origines et de l’IRCAM, dont l’implantation a suscité le transfert – ne peut que prêcher en faveur d’une stratégie de mise en valeur exemplaire de l’École Saint-Merri. Les acteurs de débuts de cette histoire ont été approchés et ont répondu présent. Pour nombre d’amateurs, la simple ouverture d’un établissement par nature peu accessible au public risque bien de créer l’événement.

 


[1] Selon des propos recueillis par Le Parisien du 29 mars 2016 lors d’une réunion publique tenue par Christophe Girard, maire du 4e arrondissement, la  restructuration du « bâtiment Saint-Merri » coûtera 12,5 M€. Les travaux dans le complexe sportif devraient commencer à l'été 2017 et être terminés un an plus tard. Quant à l'école, elle sera réaménagée par étapes, au cours de trois étés successifs, afin de ne pas pénaliser les élèves. Cerise sur le de cette rénovation très attendue par les habitants, un jardin pédagogique sera créé sur le toit. Coût de ce nouvel espace vert : 300 000 €, intégralement financé par le budget participatif.

[2] David Peycéré est conservateur en chef du patrimoine, et directeur du Centre d’archives du XXe siècle. Auteur et co-auteurs de nombreux ouvrages, il participe notamment aux travaux de la Commission chargée d’examiner la labellisation d’édifices remarquables au titre du Patrimoine du XXe siècle.

[1] L’école Saint-Merri a été programmée par Edith Schreiber-Aujame et Jacques Lichnérowicz (avec l’aide de l’Association pour l’Environnement Pédagogique - AEP), et conçue par les architectes Alain Gamard, Daniel Lombard et Édouard-Marc Roux ; l’ingénieur béton était Alain Constantidinis (entreprise Bouygues).

[2] Des édifices inscrits à l’ISMH s’y élevaient, qui ont été intégrés aux constructions nouvelles.

[3] En dépit de la très nette diminution du trafic routier, la désaffection de cette rampe n’est pas à l’ordre du jour.

[4] Historienne de l’architecture,  Anne Marie Châtelet est l’auteure de plusieurs ouvrages surla question : Châtelet, Anne-Marie,  La Naissance de l’architecture scolaire. Les écoles élémentaires parisiennes de 1870 à 1914, Paris, Champion, 1999 et du catalogue de l’exposition qui s’est tenue au Pavillon de l’Arsenal en 1993 : Anne-Marie Châtelet (dir.), Paris à l’école, «qui a eu cette idée folle...», Paris, Éditions du Pavillon de l' Arsenal ; Picard, 1993.

  • Journée d’étude - "L'ÉCOLE SAINT-MERRI EN CHANTIER"

  • 20 mai 2017 à l’École Saint-Merri, 11, rue Saint-Merri, 75004 Paris

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  • Jean-François Cabestan

    Programme de la journée placée sous l'égide de DoCoMoMo, documents, photographies et pièces à conviction disponibles sur mon site : http://www.jeanfrancoiscabestan.com/ecole_saint_merri_en_chantier.php

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