Vincent Parreira/AAVP - 69 logements et un gymnase - finaliste du prix de l’équerre d’argent 2016
- Alice Bialestowski
- 16/11/2016 à 12h05
- 75 - Paris
- Equerre d'argent 2016
- Réalisations
- Galerie
- Logement collectif
En installant 69 logements sociaux sur un gymnase semi-enterré, l’architecte Vincent Parreira livre une opération exemplaire. À l’enjeu de la mixité programmatique, il associe celui de la création de promenades architecturales dont l’ouverture sur la ville devient un facteur de lien social.
- Cet article extrait du n°253 d'AMC vous est offert dans son intégralité par la rédaction
Nous sommes à deux pas du si prisé canal Saint-Martin, près de la Gare de l’est, sur ce qui était le dernier terrain vague de la zone. Aujourd’hui, construit en limite de la parcelle où il s’étire en longueur sur deux rues, un volume surgissant, scandé par l’imbrication sur cinq niveaux de loggias en mélèze, impose une silhouette à la fois massive et, paradoxalement, précieuse. Sorte de bow-windows revisités, ces boîtes de différentes profondeurs sont traitées comme des motifs sériels animant les façades pour en accentuer la perception en creux. A leur caractère ornemental s’ajoute la volonté de créer une dynamique qui s’inscrive naturellement dans un contexte au bâti éclectique, au croisement de l’échelle de la grande industrie et de celle, plus intime, de l’habitation. Ce sont 180 riverains, opposés au dépôt du permis de construire, qu’il a fallu convaincre du bien-fondé du projet en démontrant qu’occuper le vide généré par cette poche verte n’était pas forcément synonyme d’une densification tournée sur elle-même. Comme s’il s’agissait de rendre corps à la mixité du programme, c’est elle qui a induit le choix structurel du projet associant deux typologies bien distinctes. La grande majorité des logements repose sur la structure de l’équipement public nécessitant de grands volumes libres. Franchissant plus de 20 m de portée, les portiques du sous-sol constituent les refends du premier niveau d’habitations et déterminent la trame des voiles porteurs supérieurs.
Des héberges magnifiées
Côté cour, la vision du cœur d’îlot est transcendée par le dévoilement des héberges dont la beauté des briques est mise à nu, comme si on pénétrait soudainement au cœur d’une "tranche" de ville. D’une trentaine de mètres d’épaisseur, l’édifice est agrémenté d’une superstructure de coursives métalliques, ainsi que d’un balcon filant en surplomb d’un jardin conçu par l’atelier Roberta. L’étroitesse de l’implantation du bâti est exploitée pour ouvrir l’îlot, faciliter l’appropriation d’un paysage urbain par la mise en place d’un réseau distributif à l’extérieur. Toutes les coursives sont décollées des logements et quelque chose de très cinématographique se met en place. Avec une multiplication de points de vue, la cour entière devient un belvédère, un lieu où le décor de la ville est rendu vivant par l’animation des silhouettes des occupants qui déambulent. Vincent Parreira dit s’être inspiré des parcours domestiques de Jacques Tati ou des atmosphères de Fenêtre sur cour d’Alfred Hitchcock… Pour autant, et c’est la grande force du projet, s’il y a porosité, il n’y a pas promiscuité malgré la densité.
Transparence et respirations
Du T1 au T5, tous les logements sont traversants et, "comme dans une maison, on y accède toujours de l’extérieur", insiste l’architecte. La présence de deux paliers préserve l’intimité des occupants qui ne sont pas soumis à la pollution d’un défilé permanent –comme souvent lorsque sont installées des coursives. En même temps, force est de constater que l’interaction générée par les cheminements efface la limite avec le voisin. Qu’il s’agisse des circulations, de l’espace-tampon du jardin, des loggias ou des baies vitrées des logements, tout est orchestré pour créer de la transparence et des respirations. Les vues semblent annihiler toute tentative de repli sur soi, et en particulier celles sur la ville –de la rue au panorama éblouissant des toits parisiens jusqu’au cœur d’îlot. Propice aux rencontres, ce territoire rendu visible est offert en partage aux habitants mais aussi aux voisins. On retrouve la même générosité dans la partie semi-enterrée des équipements publics qui profitent à tout le quartier et soutiennent la politique de lien social des logements. Protégés des regards par une résille métallique blanche au rez-de-chaussée, ils sont baignés de lumière naturelle. Comme si l’on pénétrait dans une arène, un escalier central conduit à ces espaces feutrés, de véritables écrins de bois à l’atmosphère presque aquatique. Avec la conception de ce bâtiment pluriel, l’agence AAVP révèle, au sens propre et figuré, une conscience aiguë de ce que signifie la mixité: la matérialisation d’un vivre ensemble non pas galvaudé mais ancré dans la réalité d’une ville et de ses habitants.
- Lieu: Paris Xe
- Maîtrise d’ouvrage: ICF La Sablière; Letourneur Conseil, AMO sites et sols pollués
- Maîtrise d'oeuvre: AAVP Architecture-Vincent Parreira (architecte mandataire), Marie Brodin, Nicolas Fontaine Descambres, Lara Ferrer; Bureau Michel Forgue, économie; EVP, BET structure; Louis Choulet, BET fluides et SSI; Oasiis, BET HQE; Altia, BET acoustique ; Atelier Roberta, paysagiste
- Programme: construction d’un ensemble de 69?logements sociaux et d’un gymnase (1442 m2)
- Surface : 6 445 m2 SP; terrain, 2135 m2
- Calendrier: concours, 2010; début de chantier, janvier 2014; livraison, avril 2016
- Coût: 14,8 € HT
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